Pierre Ardouvin, Philippe Decrauzat, Fabien Mérelle, Amanda Ross-Ho, Analia Saban, Jim Shaw
Free admission
En choisissant de privilégier la thématique du Free Admission, cette exposition soulève sans l’avoir conviée, cette idée de l’open access que les réseaux sociaux ont généralisée en offrant à leurs utilisateurs un accès libre et ouvert aux contenus culturels, scientifiques, philosophiques, économiques…
Cet open data marque un tournant décisif dans l’intérêt d’une société dans laquelle tout citoyen puise une information dans le but d’enrichir ses connaissances et d’éclairer son jugement. Une manière de répondre à l’ambition de la philosophie des Lumières du XVIIIème siècle européen, celle de la propagation du savoir pour sortir de l’obscurantisme.
L’Encyclopédie, ouvrage immense pour l’époque, incarna cette ambition dès 1745, quand le libraire-éditeur Le Breton entreprit de publier une version française du dictionnaire de l’anglais Chambers. Deux ans plus tard, le philosophe Diderot et le mathématicien d’Alembert devenaient co-directeurs du projet et lui donnaient une ampleur considérable.
C’est cette idée qui prévaut encore aujourd’hui grâce au Mooc, terme anglais amusant qui signifie «massive open online courses» (cours en ligne ouverts à tous). Cet esprit d’accès généreux s’applique aussi aux spécificités du monde de l’art, sachant que la création est de libre parcours et que nombre de plasticiens en ce XXIème siècle ont jeté par dessus bord toutes formes de conventions, de chapelles ou d’écoles.
Alors que la marchandisation de l’art contemporain bat son plein et que les «trophées» s’amoncellent, nombreux résistent pour que ce libre parcours demeure une réalité et ne soit pas seulement l’apanage de quelques dizaines de milliers d’amateurs éclairés.
Ce liberum accessum, en ces temps de cynisme commercial, de spéculation et d’argent roi, est une valeur antidote qui ré-humanise nos sociétés et leur donne un caractère plus fraternel. Cette transmission du sens s’incarne parfaitement dans cette exposition qui réunit des sujets aussi opposés dans leur expression que dans leur esthétique. Chacun revendique au sein de l’exposition ses doutes, ses angoisses, ses obsessions pour aboutir in fine à des créations exemplaires.
Pierre Ardouvin et son univers doux/amer; Philippe Decrauzat et ses références discrètes, entremêlées et indicielles, au cinéma, à la musique et à l’architecture; Fabien Mérelle et son défi au temps et à la perfection du geste; Amanda Ross-Ho, dépositaire des vestiges du quotidien; Analia Saban ou l’art de déjouer et de subvertir la signification de l’acte créatif et Jim Shaw chroniqueur des tourments du siècle.
La force de l’art les unit dans leur diversité et leur poésie. «Lorsque vous regardez, ne pensez jamais ce que l’art (ou n’importe quoi de ce monde) doit être, ou ce que beaucoup de gens voudraient qu’il soit seulement. L’art peut tout être. Il peut être un clair de soleil en pleine bourrasque, un nuage d’orage. Il peut être le pas d’un homme sur le chemin de la vie, ou, pourquoi pas un pied qui frappe le sol pour dire assez. Il peut être l’air doux et rempli d’espérance du petit matin, ou l’aigre relent qui sort d’une prison. Les taches de sang d’une blessure, ou le chant de tout un peuple dans le ciel bleu ou jaune. L’art peut être ce que nous sommes, ce qui est aujourd’hui, maintenant, ce qui sera toujours.»