Communiqué de presse
Fred
Fred
Après Charles Burns (exposé actuellement), c’est à Fred que la Galerie Martel consacre à partir du 4 mars prochain une exposition exclusive — la première que l’artiste ait jamais tenue à Paris. Plus qu’un hommage ou une rétrospective, un fabuleux voyage dans les univers fantasmagoriques du père de Philémon, du Corbac aux baskets et du Petit Cirque.
Frédéric Othon Théodore Aristidès se serait appelé Frédéric Othon Théodore Olympiou si son futur père, un jeune Grec fuyant la Turquie de 1917, ne s’était emmêlé les pinceaux en déclarant son nom aux douaniers marseillais. Car avec Fred, rien n’est simple et tout est lumineux. Dans le Paris des années 30, la famille Aristidès tire le diable par la queue — et habite rue de la Paix. Comme il sied à un futur grand du dessin, Fred gribouille à tour de bras, se gorge de Mickey et de Mandrake, mais voudrait surtout savoir ce qui se cache sous les bulles: la suite du décor de la case? Ou bien une autre bulle, puis encore une autre bulle, enchâssées jusqu’à l’infini?
Ce regard-là , qui sait muer en île enchantée le «A» du mot «Atlantique» imprimé sur une carte, ou installer sur le divan d’un psy-pâtissier une médiocre religieuse au chocolat qui rêve de devenir pièce montée, Fred ne l’a jamais perdu. L’oeil pétillant, il jure garder fermée la fenêtre faisant face à sa table de travail, de peur que ses idées s’envolent. Ça marche, la preuve : voici six décennies que, bon gré mal gré, l’imagination illumine sa feuille. Six décennies qu’il réussit ce rare tour de magie, être un artist’s artist, une source, une référence pour sa profession, et combler la soif d’un très large public.
Fin des années 50. Ramant pour placer ses dessins dans l’hebdo Ici-Paris (princesses, scandales, chiens écrasés, voyantes), il tombe sur Cabu et Cavanna: ce sera l’aventure Hara-Kiri. Fred pond les couvertures et prend la direction artistique de cette feuille de chou qui deviendra vite un mensuel-culte. Il y publie Le Petit Cirque, Le Manu-Manu, Les Petits Métiers. En 1966, il quitte le «journal bête et méchant» pour prendre au vol le train de Pilote, où Goscinny lui fait bâtir des scénarios pour Mézières, Alexis, Bretécher, Mic Delinx… jusqu’à soixante-dix pages par mois!
Mais c’est lui, bien sûr, qui met amoureusement en images les aventures de Philémon, rêveur aux pieds nus pris dans un univers foisonnant comme celui d’un Jérome Bosch gentil. Quinze albums parus — en attendant l’arrivée désirée du prochain, cette légendaire «locomotive à pattes» sur les rails depuis plusieurs années.
S’il a ouvert épisodiquement son imagination à la chanson (Le Fond de l’air est frais de Jacques Dutronc, c’est lui) et intensivement au cinéma (avec Daniel Vigne, Jacques Rouffio, Gérard Zingg), c’est dans le dessin que Fred trouve son oxygène. Sans traits à tracer sur le papier, il étouffe: éloigné de la BD par son écriture filmique, il plonge dans une sévère dépression.
Le tremplin de sa résurrection sera la mise en chantier d’un album, L’Histoire du corbac aux baskets (1993), sans doute le plus sombre et le plus «réaliste» de ses contes. Ont suivi des récits complets (L’Histoire du conteur électrique, La Dernière Image) et des anthologies. Les éditions Dargaud s’apprêtent à publier une biographie de Fred, sous forme d’un dialogue mené par Marie-Ange Guillaume: L’Histoire d’un conteur éclectique. Ce livre très illustré et documenté sera présenté en avant-première par la Galerie Martel — ainsi que les rééditions millésimées, sous forme de trois intégrales, de Philémon — à l’occasion de l’exposition qu’elle consacre à l’artiste.
Vernissage
Jeudi 3 mars 2011. 18h30. En présence de Fred.