La galerie Daniel Templon présente six peintures murales de Frank Stella, des peintures monumentales nommées «peintures/sculptures»», réalisées durant les années 2000 et 2001.
La célèbre phrase de l’artiste, «What you see is what you see» (Ce qui est à voir est ce que vous voyez), est restée dans les mémoires. Elle s’inscrivait dans la tendance minimaliste des années soixante. Les Black Series de Stella avaient fait l’événement à l’exposition collective Sixteen Americans organisée par Dorothy Miller en 1959 au MoMa de New York. Ces toiles non préparées révélaient un motif répétitif de bandes noires réalisées avec de l’émail commercial et une brosse de peintre en bâtiment (de deux pouces et demi de large). Les châssis étaient d’une épaisseur similaire à la largeur de la brosse et les côtés restaient non peints. L’artiste était présenté par Carl Andre, dans le catalogue de l’exposition, de la manière suivante : «Préface à la peinture en bandes (Stripe Painting). L’art exclut ce qui n’est pas nécessaire. Frank Stella a trouvé nécessaire de peindre des bandes. Il n’y a rien d’autre dans sa peinture. Frank Stella ne s’intéresse pas à l’expression ou à la sensibilité. Il s’intéresse aux nécessités de la peinture. Les symboles sont des jetons que les gens se passent. La peinture de Frank Stella n’est pas symbolique. Ses bandes sont le chemin de son pinceau sur la toile. Ces chemins ne mènent qu’à la peinture». La peinture de Frank Stella montre en effet que la peinture est autre chose que l’expression d’un contenu psychologique. Elle invalide également l’interprétation de la peinture en fonction de signes universels pré-établis.
Dans son essai intitulé Modernist Painting (1961), Clement Greenberg présentait l’histoire de la peinture moderniste comme l’évolution progressiste de la peinture vers son essence, la planéité du medium. Après Matisse et Picasso, après Pollock et Barnett Newman, Greenberg voyait dans cette évolution les œuvres de Morris Louis et de Kenneth Noland, mais pas le travail de Frank Stella dont la démarche lui apparaissait peut-être trop radicale.
Les œuvres récentes de l’artiste portent des titres faisant référence à des sites archéologiques de Turquie comme Hacilar ou Mersin. Ces «peintures reliefs», grandes surfaces d’aluminium travaillées en volumes et vaporisées de peinture aux couleurs tendres et acidulées, auraient quelque chose à voir avec les parois néolithiques de l’Anatolie.
En même temps que les «peintures/sculptures» de Stella, est présentée une vidéo de Bruce Nauman, artiste dit «conceptuel», intitulée Setting a Good Corner (Installer un bon coin), et sous-titrée Allegory and Metaphor(1999). Un seul plan, fixe, montre l’artiste construisant un coin au milieu d’un champ immense avec des traverses de chemin de fer (trois pour un triangle), qu’il enfonce dans le sol, des cordages, du fil de fer, et des bouts de bois pour consolider l’ensemble. La vidéo, diffusée sur un petit moniteur, révèle cette installation à la façon du documentaire. «Installer un bon coin» dans une étendue à perte de vue. Même si on le fait selon des gestes ancestraux, transmis de génération en génération, se construire un coin d’une manière personnelle. Clin d’œil de Bruce Nauman sur le «coin» d’une vie.
Frank Stella
Technique mixte sur aluminium
— Hacilar Level II, 2000. 231 x 213,5 x 84 cm
— Hacilar Level VIII, 2000. 216 x 305 x 35,5 cm
— Hacilar Level IIa, 2000. 183 x 190,5 x 78,5 cm
— Hacilar Level IIb, 2000. 152,5 x 152,5 x 53 cm
— Mersin XXIV, 2001. 192 x 208 x 51 cm
— Nea Nikomedeia, 2001. Diptyque, 241 x 155 x 51 cm chaque
Bruce Nauman :
— Setting a Good Corner. Allegory and Metaphor, 1999. Vidéo DVD (couleur, son), 59.30 min.