— Éditeur : Galerie Daniel Templon, Paris
— Année : 2002
— Format : 29,50 x 23 cm
— Illustrations : nombreuses, en noir et blanc
— Pages : 63
— Langues : français, anglais
— ISBN : non indiqué
— Prix : non précisé
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Notes de travail
par François Rouan (extrait, p. 60)
L’indicialité photographique — cadrage — montage — trucage — est un des vecteurs essentiels de la guerre informationnelle.
La vaporisation des images sur écran colmate et affaiblit les capacités de riposte du regard critique par l’adhésion et la croyance à la ressemblance du motif.
Dans ma pratique, le miroir est un levier de désorientation; une stratégie pour extraire et extirper des contours du motif les potentialités d’une phantasia imaginale planquée dans les recoins de l’empreinte mécanique.
Au détour des changements d’angles, ce qui s’estompe dans la profondeur de champ peut constituer une réserve de forces impromptues dissimulées dans l’épaisseur de la couche argentique.
Dans un ensemble reconstitué par le jeu des coupures et des distorsions d’espaces — tressement — répétition — un compactage de temps est contenu dans la concrétion opalescente de l’image.
Mon expérience photographique — à dose homéopathique deux ou trois fois par an depuis quinze ans — fait grisonner dans un brouillard mémoriel un jeu d’impossibles ressemblances.
Quelle ressemblance y a-t-il entre l’opalescence scintillante et miniaturisée que j’observe au dépoli de la machine et le négatif développé ? Pour ne rien dire du tirage sur papier… L’un n’est en rien plus ressemblant que l’autre; le motif est en déplacement.
L’empreinte de Monsieur Leitz, ce renvoi de photons canalisés au travers du canon optique — l’objectif dit-on en français — est un enroulé d’épaisseur. Cette empreinte couchée dans les grains de gélatino-bromure d’argent vient nouer des écarts d’impressionnabilité entre le souvenir de l’éprouvé et les courbures d’espace saisies au plan focal de la machine. Comment dessiner les inégalités d’épaisseur entre l’empreinte photographique et celles de la boîte noire de la sensation ?
Ce qui m’agite et me pompe, à ce point imparable de ma vie, c’est le retournement des échanges entre la dépense émotionnelle — ces énergisantes excitations qui viennent s’empreindre de part et d’autre dans l’expérience corporelle — et la réflexion devant l’empreinte dite objective.
Mis à distance, cadré, le sexe féminin est une entité totalement réservée — circulez, il n’y a rien à voir — c’est un lieu qui précipite la grossièreté hyper sexuée du visuel dans le pli gris du regard.
(Texte publié avec l’aimable autorisation de la galerie Daniel Templon)
L’artiste
François Rouan est né en 1943 à Montpellier. Il vit et travaille à Laversine, dans l’Oise.