Comme inachevées, les œuvres de François Ribes suggèrent une présence organique à travers de subtils amas de corps entrelacés. Les matériaux se combinent pour traduire la vision intimiste que l’artiste porte sur le monde. L’œuvre prend forme dans l’évanouissement de l’acte, la spontanéité du geste et le surgissement des matières. Éclaboussures et évacuations, tout n’est qu’expulsion.
Sur sa toile Sans titre (2005), Ribes confond le monde quotidien avec la mythologie. Il esquisse une licorne dépourvue de son emblématique attribut — symbole de pureté ou du mauvais œil ? —, et confronte sa vitalité à l’aspect froid d’un canapé vide. A la surface du tableau, il greffe des insectes dont il renforce la délicatesse au moyen de crayon de couleur et de sécrétions corporelles. Singulière mise en effervescence destinée à recréer un monde parallèle tel une myriade d’étoiles où se concentrent des figures chargées d’émotions.
Extraits des carnets de l’artiste, les quinze dessins Sans titre (2005) composés principalement d’éléments corporels — ongles, poils, etc. — évoquent des épisodes de sa vie vécus entre rêve et réalité. Dans l’un d’eux, Ribes dessine au feutre un crâne humain auréolé de poils. Habituellement symbole macabre, le crâne est ici moins funèbre que sarcastique. Laissé vierge, l’arrière plan joue un rôle de source de lumière, il contraint l’œil à un recul nécessaire afin d’appréhender l’œuvre dans sa totalité.
Préférant le sensible au visible, Ribes manie l’ironie et l’interrogation. Posée sur un piédestal à hauteur d’homme, Sans titre (2003), une tête de mort en tissu rose, affublée de deux fausses oreilles animales, affronte ironiquement le public.
Beaucoup plus épurée, l’installation Sans titre (2005) dévoile tous les organes vitaux humains. D’une tête de mort s’échappe à même le sol une longue colonne vertébrale molle de laine rose, et de petits amas de fils blanc représentant des veines et du sang.
Un cœur en verre n’est plus un organe opaque mais un objet translucide. Les ossements se métamorphosent en matière molle rose tandis que le sang se purifie dans la douceur blanche de la laine. Le contraste des textures perturbe tout autant qu’il rend la sculpture sensible ; le déploiement de la moelle et des veines sur le sol touche autant par sa fragilité que par sa terrifiante évocation de la mort.
La transparence du corps se retrouve dans la sculpture Sans titre (2005) de fesses de femme en verre posée sur un socle blanc. Il s’en dégage une candeur plutôt que de la sensualité. Il ne s’agit pas ici de susciter le désir mais de bouleverser en suscitant un regard nouveau sur le corps.
L’installation La Peau de la Grande Ourse (1995) tranche avec les autres œuvres. Une couverture orange est parsemée de gouttes de plomb. Tendue à la verticale, elle se transforme en une audacieuse carte stellaire (d’où l’évocation de la Grande Ourse dans le titre). Les choses les plus ordinaires servent à évoquer le sensible.
Artiste et poète à l’imaginaire lyrique proche de l’absurde, François Ribes travaille ses œuvres comme une prose, en combinant les éléments qu’il rencontre. Ses vers se métamorphosent en objets résiduels ou en substances vivantes harmonieusement réunis pour éprouver l’énergie de l’existence.
François Ribes :
— Sans titre (Tête de mort en peluche rose), 2003. Textile synthétique, cristal et inox. 120 x 33 x 30 cm.
— Sans titre (Femme sur un lit), 2005. Aluminium de blister. 226 x 158 cm.
— Sans titre (Autoportrait), 2005. Technique mixte. 57 x 66 cm.
— Sans titre (Installation squelette), 2005. Laine, verre, crâne chromé. Dimensions variables.
— Sans titre (Autoportrait), 2005. Technique mixte. 57 x 66 cm.
— Sans titre (Autoportrait), 2005. Technique mixte. 57 x 66 cm.
— Sans titre (Autoportrait), 2005. Technique mixte. 54 x 67 cm.
— Ensemble de 15 dessins et collage. Objet sous verre, 2005.
— La Peau de la Grande Ourse, 1995. Acrylique, plomb fondu. 210 x 225 cm.
— Sans titre (Canapé, cheval et étoiles), 2005. Technique mixte. 251 x 158,5 cm.
— Sans titre, 2005. Sculpture en verre réalisée par le CIRVA. 53 x 40 cm.