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François Perrodin. 1995-2003

Monochromes gris, oblongs ou carrés, encadrés ou non, isolés ou rassemblés, avec ou sans socle pour les détacher du mur et créer des ombres comme autant d’expansion de ce gris. Perrodin joue sur l’espace et le volume du lieu autant que sur la mise en espace et en volume de ses tableaux. Un minimalisme de façade qui force à regarder au-delà des apparences.

— Éditeurs : Le 19, Montbéliard / Site Odéon°5, Paris
— Année : 2003
— Format : 17 x 24 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs et en noir et blanc
— Pages : 64
— Langues : français, anglais
— ISBN : 2-910026-76-0
— Prix :15 €

L’œuvre au gris
par Jean Lauxerrois (extrait, p. 3-4)

Si la théorie classique des couleurs, en effet, a pu concevoir le gris à la fois comme le mélange des couleurs et comme la synthèse du noir et du blanc, le gris de François Perrodin est celui d’une saturation obstinée qui paraît absorber toutes les valeurs et qui le déplace juste au-delà de la limite située entre un gris trop clair et un gris trop sombre, entre un gris qui foncerait au séchage s’il était trop près du noir et celui qui s’éclaircirait s’il était trop près du blanc. Entre un gris moyen et le noir, il serait un gris presque trop foncé, dont le supplément fait pencher la balance jusqu’à l’excès de son équilibre. Dix ans d’une alchimie souterraine dont la patience aurait réussi à faire flamber les couleurs en les réduisant à leur cendre essentielle.

Mais ce gris principiel a su accomplir le pas d’une dernière transformation, en rejouant sa définition à partir d’un vert et en poussant son ultimité jusqu’au point où la couleur peut devenir suffisamment sombre pour ne plus être perçue comme couleur, sans être néanmoins déjà noire. À la fois partie et produit de ce jeu à trois termes — qui engage le gris, le noir et la couleur — ce gris a donc la vertu supplémentaire de réintroduire la dimension et la question de la couleur, jusqu’alors temporairement suspendue et neutralisée en termes de valeur. Si le noir demeure l’horizon et la clef de cette alchimie, le gris pour ainsi dire deux fois ultime permet de repenser la relation qu’entretiennent le noir et le chrôma. Ce gris ultime est le coeur du chrôma: au creuset du grand œuvre, où se dépose l’or du temps, le gris est le dépôt de l’essence de la couleur ; et si cette essence est bien d’ombre et non de lumière, si la couleur est bien l’obscur, le skieron d’Aristote et de Goethe, le gris de François Perrodin est le dépôt de l’obscur cristallisé. Un bloc d’obscur. L’exposition de la couleur est ici son ultime déposition.

(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions du centre régional d’art contemporain, Le 19)

L’artiste
François Perrodin est né en 1956 à Saint-Claude, Guadeloupe. Il vit et travaille à Paris.

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