François Morellet
François Morellet
Dans la suite des expositions consacrées à John Baldessari, Robert Morris et Yona Friedman, le Musée d’art contemporain de Lyon invite François Morellet du 6 juin au 5 août 2007 pour une «relecture» de ses œuvres rassemblées dans la collection. L’exposition offre l’opportunité d’un regard rétrospectif posé par le Musée sur ses acquisitions. Elle est également la réponse de François Morellet à la question soulevée par le Musée quant à la possibilité d’exposer ensemble des œuvres esthétiquement disparates mais dont l’accumulation résulte cependant d’un projet conduit dans la durée.
En 1985, lorsqu’il s’agit de réaliser la première année de programmation d’un musée d’art contemporain encore en devenir, François Morellet est parmi les premiers artistes invités à exposer (avec Joseph Kosuth, Lawrence Weiner, mais aussi Daniel Buren et Jean-Pierre Bertrand). L’exposition monographique réalisée du 24 mai au 9 juin 1985 donne lieu à l’acquisition de Deux lignes de tirets interférents, 1971. Cette pièce est symbolique de la participation de l’artiste au Groupe de Recherche d’Art Visuel auquel il contribue de 1961 à 1972. Quoique de grande qualité, elle reste cependant un succédané, relativement au projet d’une collection constituée d’ensembles étendus et de moments remarquables.
Dans les années qui suivent, au gré des opportunités d’achat et des dons de l’artiste lui-même, plusieurs œuvres sont venues s’ajouter à cette première acquisition. En 1987, l’entrée d’une peinture de 1952 résume le moment où François Morellet s’engage définitivement dans l’abstraction géométrique. Peinture géométrique, trame du fait d’un chevron qui sert de motif, peinture désarticulée en plusieurs panneaux encore reliés par des charnières, Peinture, 1952, correspond à un moment clef où Morellet cherche à abandonner dans le même mouvement l’arbitraire de la composition, l’arbitraire du format et celui de la matière, qu’il trouve trop marqués par une vision romantique de l’artiste. Le don d’un Mouvement ondulatoire de 1965 complète cette acquisition. Cette œuvre relève également de la période où Morellet côtoie le G.R.A.V. Elle en est une seconde qui affirme une dimension temporelle par l’intégration, cette fois, d’un mouvement. Ce choix répond aux orientations que s’était donné le groupe et aux exigences de l’artiste lui même.
En trois œuvres : Peinture, 1952, Mouvement ondulatoire, 1965, Deux lignes de tirets interférents, 1971, une période déterminante d’une carrière artistique se trouvait ainsi résumée dans la collection.
Invité en 1991 à participer à la Biennale de Lyon, et fidèle à sa méthode qui consiste à fixer une règle du jeu permettant de réduire le nombre de ses décisions subjectives, François Morellet propose une pièce dans laquelle les murs du lieu d’exposition sont décalés par redoublement et par basculement. Cette œuvre par sa forme et ses modalités est atypique, rattachable peut-être aux intégrations et désintégrations architecturales que Morellet réalise depuis 1981.
A l’issue de la Biennale, Sans titre, 1991, est donnée au Musée. S’ajoutant à la série d’œuvres déjà présente, elle en perturbe la cohérence un instant trouvée. Sans titre, 1991, décale vers la question du all-over et du mur de l’exposition, le projet d’un ensemble traduisant l’œuvre de Morellet en un espace singulier pour la collection. Le all-over systématique poussé jusque dans l’espace de l’exposition en passant par le détour du mur constitue pourtant un point premier dans les discussions entre le Musée et l’artiste en 1985. Un adhésif («éphémère»), tel qu’en réalise Morellet depuis 68 fait encore l’objet d’un possible projet d’acquisition qui ne se réalise qu’en 2006.
Basculement d’un mur et une porte de 5° au dessus de 0°, 1985, est acquis en 2006 et jalonne cette fois un ensemble qui de la peinture à l’espace de sa monstration couvre une intéressante synthèse de l’œuvre de François Morellet. Ces quelques œuvres apparemment éparses font désormais exposition, rassemblées autour d’une Echappatoire nouvellement créée et donnée au Musée par l’artiste. Le plan de l’Echappatoire, 2006, est généré par le dessin d’une peinture de 1971 : Dix lignes au hasard. Labyrinthe qui jamais ne nous enferme, l’Echappatoire ouvre le plus souvent sur une œuvre : Peinture, 1952, Mouvement ondulatoire, 1965, etc… Elle est comme la récente superposition qui réunit les fragments du hasard, l’interférence nouvelle du présent et du passé.
L’exposition est la réponse de François Morellet à l’interrogation du Musée d’art contemporain : comment montrer dans un espace commun des oeuvres de moments divers et d’esprit différents, par delà les lacunes chronologiques où les failles de la représentativité, et pourtant toutes constitutives au final de l’oeuvre remarquable de l’artiste ? François Morellet conçoit la scénographie de ses œuvres entrées dans la collection depuis 1985. Construisant une exposition, il crée un nouveau moment artistique, qui rassemble autant de moments que d’œuvres. Il propose ainsi au spectateur de s’approprier l’univers induit par la collection pour donner du sens aux rapprochements formels, aux similitudes de temporalités, aux parallélismes de temps, aux projections de plans, aux équivalences spatiales.