Présentation
Patrick Le Nouëne, Christine Besson
François Morellet 1926-2006 etc… récentes fantaisies
Extraits de l’avant-propos de Patrick Le Nouëne, directeur des musées d’Angers
«Parmi les nombreux textes dans lesquels François Morellet évoque sa condition d’artiste, l’un, rédigé en 1997, à l’occasion de son exposition au musée des Beaux-Arts de Rennes, explicite la spécificité de son implantation régionale, dans cette «France de nulle part», celle qui englobe tout ce qui ne se confond ni avec la capitale ni avec la Côte d’Azur. Ainsi constate-t-il avec humour : «Né et vivant à Cholet (quelle aventure !), je suis Vendéen pour les Parisiens et les météorologues, qui attribuent à ce département (modeste partie de l’ancien Poitou qui a connu très vite une tragique célébrité) les dimensions d’une grande province. Angevin serait sûrement plus correct, si les habitants d’Angers n’avaient, pour le sens commun, confisqué cette appellation.»
Cette proximité entre Cholet et Angers — mais ce n’est surtout pas la seule raison – explique que le musée des Beaux-Arts d’Angers entretienne une longue et précieuse connivence avec Francois Morellet. […]
Cette nouvelle exposition, «Francois Morellet 1926-2006, etc… Récentes fantaisies», est justifiée par le maléfice que nous entretenons avec les chiffres et les nombres, lesquels nous servent à scander notre rapport au monde et nous fournissent un prétexte pour distinguer parmi tant d’autres une date particulière. Ainsi s’égrènent les anniversaires, ceux de la naissance d’abord, puis de mariage — éventuellement —, et enfin de la mort, qu’on laisse en l’occurrence aux autres le soin de commémorer. […]
L’année 2006 offre la possibilité de célébrer les quatre-vingts ans de François Morellet. Non pas que lui-même attache une importance particulière aux conventions ou aux célébrations, mais parce que lui comme nous aimons nous réfugier derrière l’absurde des systèmes qui sont bien pratiques pour disposer d’un prétexte supplémentaire pour, organiser, dans ce cas, une exposition. […]
Evoquant ses débuts d’artiste, François Morellet avouait : «Je crois qu’à mon époque, c’était une grande chance d’avoir appris l’art en amateur et d’avoir évité les écoles dont l’enseignement tuait le plaisir et ignorait la modernité.» On peut se demander si le succès qu’a connu François Morellet depuis de nombreuses années ne l’a pas amené à préserver et même accentuer cette grande chance qu’il a su prendre et continue de prendre en travaillant toujours avec plaisir, avec encore plus de plaisir et de ne pas, ou de ne plus, se préoccuper de la modernité car dorénavant c’est la «modernité» qui s’intéresse à lui. De là , des œuvres toujours aussi rigoureuses, toujours plus libres, toujours plus interrogatives sur les systèmes dont il se sert et qu’il pousse jusqu’à leurs limites. Les récentes fantaisies présentées dans cette exposition sont différents exemples des recherches que François Morellet a menées depuis sa dernière rétrospective au musée du Jeu de Paume, à Paris, ouverte dans les derniers mois de l’année 2000 et qui a circulé après à l’espace de l’Art actuel à Malines, en Belgique, au Museum Würth à Künzelsau, en Allemagne, et à la Haus Konstruktiv à Zurich, même si certaines sculptures, tableaux ou installations sont antérieurs.
L’exposition au Jeu de Paume se terminait par une série d’oeuvres significatives de ses nouvelles investigations à partir du nombre π. À Angers, les œuvres qui recourent à ce système sont les plus nombreuses, qu’elles soient réalisées à l’aide de traits, de bandes, de poutres ou de néons. Comme il l’a fait sur de nombreux édifices, dont de nombreux musées, il a généreusement accroché un π piquant de façade en néon sur l’un des murs du musée des Beaux-Arts d’Angers construits par Antoine Stinco, manière de surprendre et d’annoncer la présence du musée aux passants. Enfin cette exposition a été l’occasion de demandera un écrivain, ami de François Morellet et de Danielle, Erik Orsenna, de nous donner un portrait amical de l’homme et de l’artiste, à une consœur du County Museum de Los Angeles, Lynn Zelevansky, de resituer son oeuvre par comparaison avec ceux de certains peintres américains de sa génération, et enfin au directeur du Westfâlisches Landesmuseum für Kunst de Münster, Erich Franz, d’évoquer les raisons de la fascination qu’exercent ses œuvres sur nous, lesquelles jouent sur le dit et le non-dit, le peint et le non-peint.»