Présentation
Dominique Bernard-Faivre
François Dagognet ou l’apologie de l’art contemporain
L’art contemporain, comme notion esthétique, a connu à ses débuts de nombreux procès portant sur sa dimension artistique, mais aussi politique dont des ouvrages tels que L’art et les anartistes d’Hélène Pamelin ou encore L’Etat culturel: essai sur une religion moderne de Marc Fumaroli rendent respectivement compte. Mais c’est sans doute l’article de Jean Baudrillard intitulé «Le complot de l’art», paru dans Libération du 20 mai 1996, qui donna lieu, l’année suivante, à un record de publications émanant tant d’essayistes que de journalistes soucieux de mettre en question l’esthétique de leur temps, ainsi que la manière dont elle était orchestrée.
Dans une attitude parfaitement opposée, François Dagognet s’est immédiatement fait l’apologiste de l’innovation artistique radicale que représentait l’art contemporain, en regard non seulement de l’art dit classique mais également de l’art moderne. Et s’il est une particularité qui mérite d’être soulignée, c’est l’engagement du philosophe à réhabiliter la matière et l’objet, aussi historiquement dévalorisés l’un que l’autre par la philosophie.
L’auteure parvient ici à restituer l’originalité de cette démarche, qui fait de l’art contemporain un art «matériologique» et «objectologique», sans pour autant faire l’impasse sur ses versants conceptuel et minimaliste.
«Se posant comme matériologue, François Dagognet se fait en effet le porte-parole de la matière la plus fruste, voire de la plus infime, telle le sable et la poussière. Car ces matières ou objets ont plus souvent été occultés que loués par la philosophie, malgré le questionnement fécond auquel ils peuvent donner lieu, dans une approche se situant au carrefour de l’art et de la science — et plus particulièrement du physico-chimique — puisqu’alors que celle-ci «vise à établir des relations ou même des lois touchant les phénomènes, celui là , au contraire […] cherche davantage à reconnaître la matière dans ses prouesses sous l’angle de la qualité.»
A partir de l’asphalte bitumeux par exemple — matière indigent qui pourrait tenir de l’Arte Povera comme de la Dirt Painting mais qui est traitée dans une sobriété formelle remarquable par Michel Paysant — François Dagognet parvient littéralement, à faire émerger «le plus dans le moins».
Dans un autre registre encore, le Land Art nous donne à penser à l’art paysager, bien que ce nouveau genre artistique nous conduise davantage vers une «esthétique à ciel ouvert» que vers la renaissance de l’art paysager à proprement parler, ou même vers la naissance pure et simple d’un art écologique. Et s’il mérite bien son appellation de nouvelle esthétique de la nature, c’est parce qu’il ouvre à «une dialectique de la fête, à un bien soustrait à une longue confiscation, à un dehors qui échappe à l’emprisonnement d’un dedans trop cloisonnant, à un plaisir à la fois universel (communautaire même) et inépuisable (la satisfaction ne détruit plus ce qu’elle goûte et sent).»»
Sommaire
— Préface, par François Dagognet
— Introduction
— François Dagognet zèlateur de l’art conceptuel et minimal
— François Dagognet Objectologue
— François Dagognet matériologue
— «Révision du procès»
— Bibliographie de François Dagognet