Fractus V se présente comme la suite naturelle et amplifiée de Fractus, trio initialement créé par Sidi Larbi Cherkaoui en 2014, à l’occasion du quarantième anniversaire du Tanztheater Wuppertal de Pina Bausch. Fractus tenait à souligner la situation de l’individu dans nos sociétés de l’information et de la communication, en s’inspirant des textes critiques du linguiste américain Noam Chomsky. Au trio Fractus succède donc Fractus V, pièce écrite pour cinq danseurs en 2015.
Fractus V : un aboutissement
L’intention commandant la création de Fractus était sans nul doute claire. Sensible à l’omniprésence des réseaux d’information et de communication dans nos sociétés, Sidi Larbi Cherkaoui entendait montrer leur influence délétère sur les individus et appeler chacun à faire une nécessaire utilisation critique de ces derniers. La chorégraphie devait alors exprimer un tel rapport individuel critique à l’information et à la communication qui ne pouvait connaître qu’un développement ultérieur. Sidi Larbi Cherkaoui précise ainsi : «Pendant la recherche de mouvements primaires, d’une danse informe proche de l’expression tribale et folklorique, il est devenu évident que ce bref spectacle était un premier pas vers une création plus aboutie».Â
Si Fractus V développe donc les motifs désormais traditionnels de la désinformation et de la manipulation médiatique, cette pièce tient aussi à souligner le principe essentiel de la liberté d’expression, complément naturel de ces mêmes motifs, et dont nous ne savons parfois que faire pour préserver notre capacité de jugement.
Fractus V
Pour servir une telle perspective, Sidi Larbi Cherkaoui travaille avec quatre danseurs aux origines différentes. Si Dimitri Jourde vient du cirque, le danseur américain Johnny Lloyd, musicien de formation, vient du Lindy Hop. Fabian Thomé Dutena, danseur espagnol, a d’abord pratiqué à ses débuts le flamenco, alors que Patrick «TwoFace» Williams est danseur de hip-hop. Mais au-delà de ces sensibilités chorégraphiques, les affinités sont réelles, faisant de Fractus V une pièce dans laquelle s’unissent des langages différents. Sidi Larbi Cherkaoui peut ainsi remarquer : «j’ai tenté au cours de ces quinze dernières années d’enrichir sans cesse mon langage chorégraphique fluide à travers des rencontres avec des formes de danse plus traditionnelles. Même si notre formation à la danse n’a pas été la même, nos gestuelles se rencontrent ; l’envie de constituer une communauté captivante, tant sur le plateau qu’en dehors, domine». Et pour la première fois depuis la création de Play en 2010, Sidi Larbi Cherkaoui est lui-même présent sur scène.