Vera Lutter
Four in One
Vera Lutter explore le potentiel de la camera obscura, procédé d’enregistrement en direct et en négatif des effets de la lumière sur le papier sensible. Son œuvre porte sur l’architecture, qu’il s’agisse de paysages urbains, de sites industriels, de paysages mythiques ou de vues de son atelier. Autant d’espaces dans lesquels elle aime jouer de miroirs ou de mises en abîme d’images, révélant ainsi différents états de perception de l’espace. Les dimensions souvent monumentales de ses photographies imposent des durées d’exposition à la lumière qui peuvent aller jusqu’à plusieurs jours. Elle conçoit et réalise des appareils photographiques à la taille de ses images, transformant son appartement ou son atelier, métamorphosant un container ou une baraque de chantier pour en faire une chambre noire. L’exposition longue permet l’enregistrement de tout ce qui est rémanent.
Ainsi l’éphémère et le mouvement se diluent dans le temps de l’image, et laissent apparaître parfois les traces d’une présence fantomatique. Ses photographies ne traduisent pas seulement le réel, mais révèlent également un monde en creux, un espace d’apparition relative, qui donne à ses images une impression irréelle et fluide, où le regard passe sur de magnifiques à -plats pour s’arrêter sur la précision surprenante de certains détails.
Poursuivant ses recherches sur le rôle de la lumière dans la perception du temps, Vera Lutter investit en 2009 l’édifice Clock Tower situé sur Main Street à New York.La partie haute de cette tour parfaitement carrée abrite quatre gigantesques horloges, chacune orientée vers l’un des points cardinaux. Les cadrans vitrés permettent les échanges de lumière de l’intérieur vers l’extérieur et offrent une vue sur quatre quartiers de New York. C’est dans cet espace, que Vera Lutter a installé sa camera obscura. Les photographies en négatif se composent de deux plans bien distincts. La surface plane du cadran et des aiguilles de l’horloge au premier plan contrastent avec le paysage au loin en perspective. L’image figure une mise en abîme du temps imposé par le procédé photographique, la maîtrise du temps, des minutes, parfois des heures nécessaires à la lumière pour imprégner le papier photosensible.
La série Albescent, pour laquelle Vera Lutter utilise des moyens de prises de vue courants, représente un nouvel intérêt pour l’environnement. Elle a entrepris depuis 2010 une suite de photographies de la lune à différents moments de son cycle dans sept villes du globe. La lune est ici une mesure du temps, mais le temps dont il question est sensible, inné. Vera Lutter figure le mouvement par la connaissance implicite que nous avons du ciel nocturne, par le positionnement de la lune parfois à la limite du cadre, par les différents moments représentés de son cycle ou simplement par le passage des nuages ou de l’ombre de la terre. Cette fois-ci, le temps de prise de vue est souvent très court, parfois un quart de seconde. Comme Vera Lutter en fait elle-même la remarque, elle rejoint dans cette série l’instantanéité qui est à la base de l’histoire de la photographie.
Article sur l’exposition
Nous vous incitons à lire l’article rédigé par Marie-Jeanne Caprasse sur cette exposition en cliquant sur le lien ci-dessous.
critique
Four in One