Eric Jourdan
Formes
«Au commencement je n’envisage jamais un objet ou un meuble dans sa globalité, je dessine un détail (un assemblage, un creux, une jonction…) qui va m’amener à un autre et un autre… Le tout est une juxtaposition d’éléments que je vais plus tard organiser.
Cette méthode, ou plutôt… non méthode, est liée à la pratique du dessin qui créé un lien continu entre toutes ces ébauches de formes.
Plus tard vient l’organisation de ces formes et je construis, j’assemble des éléments qui au début peuvent devenir des objets différents, c’est ainsi que sur la même ébauche se trouvaient la console et un secrétaire. J’empile et après j’enlève. L’échelle n’a pas d’importance au début, elle se déterminera quand nous ferons des dessins cotés et j’imagine volontiers ces objets comme des constructions, des objets architecturés avec des plateaux, piliers, ouvertures, bref un langage plutôt lié à l’architecture, domaine qui me passionne.
Les vases présentés ici découlent de la même méthode si ce n’est que le rapport au volume est encore plus lié à l’architecture ; d’ailleurs, je ne suis pas sûr d’avoir voulu dessiné des vases, je vois là des bâtiments avec leurs murs de béton, les corniches en surplomb, les courbes sorties des coffrages. Mes références dans un exercice comme celui sont plus proches du Whitney Museum de Marcel Breuer que de la porcelaine de Sèvres. Tout cela devrait donc former un paysage ou les aller et retour entre les différentes pièces permettront de comprendre cet assemblage comme un tout, comme le dessin est un tout qui rassemble des idées.»
«Des meubles et des objets dessinés, sans cesse, d’abord tout seul sur des carnets, du papier, sans autre interlocuteur que moi, utilisant les mêmes crayons, feutres et autres, voila ce qui pourrait semblé quelque peu primaire ou simpliste comme système d’élaboration d’un projet d’exposition.
Mais le dessin peut être une liberté ou une prison ; cela dépend où on arrête la machine infernale qui consiste à noircir des carnets entiers.
C’est là qu’intervient votre interlocuteur, celui qui organise, clarifie, vous fait prendre du recul et pour cette exposition, ce fut le rôle de Marie-Bérangère Gosserez.
On pourrait croire que montrer son travail dans une galerie soit une sorte d’exutoire permettant au designer de se dégager des contraintes industrielles ou commerciales (ce à quoi je suis de plus en plus confronté) mais non, le design ne se fait pas tout seul, sans dessin, sans galeriste ou sans industriel… A travers cette exposition, je veux montrer que tout ne sera toujours qu’échanges, ratures, déceptions, tensions, retours, progrès, plaisir.
Je ne crois pas aux postures d’artistes ; dans notre métier tout n’est que co‐production de concepts et de Formes ».
Eric Jourdan, février 2012.