Interview
de Florence Loewy
par Hélène Sirven
Hélène Sirven. Florence Loewy, c’est votre première participation à la FIAC. Pouvez-vous nous dire ce que la FIAC 2004 vous apporte, en particulier dans la dynamique qui, au fond, fait du livre d’artiste une œuvre à part entière ?
Florence Loewy. J’ai été très sensible à l’invitation et aux efforts de Jennifer Flay pour donner un nouveau visage à cette Foire et je voulais participer à cet élan. C’est une occasion de sortir de mes murs et de me faire connaître en dehors d’un public d’initiés et aussi d’affirmer que mon travail est celui d’une galerie plus que d’un libraire. Les «bibliophiles» ne connaissent pas l’art contemporain; alors ce sont les collectionneurs d’art contemporain qu’il faut amener au livre…
Votre stand a suscité de nombreux compliments, pouvez-vous en dire quelques mots ?
Conçu par Emmanuel Hervé, le stand met en valeur notre éclectisme, ainsi nous présentons des livres rangés sur un meuble bibliothèque, des œuvres non accrochées mais posées sur des étagères et une table sur laquelle trois livres précieux — de David Hammons, Ed Rusch et Michel François — et un livre original de Barthélémy Togo côtoient des pièces et objets édités par «Alice Travel Cie», dont le fondateur est précisément Emmanuel Hervé : un disque en colle de Frédéric Post, un miroir de Sandra D. Lecoq et la série des badges «Anarchie» de Claude Closky.
Pensez-vous que le secteur éditorial soit suffisamment représenté dans une foire comme la FIAC ?
Depuis la disparition du salon SAGA dédié à l’estampe contemporaine, seul un petit noyau d’éditeurs avait sa place à la FIAC et c’est la première fois que j’ai senti une volonté de faire grandir ce secteur. Malheureusement, par manque de temps de la part des organisateurs et à cause du départ de trois grands éditeurs, le secteur édition n’a pas grandi…
Il n’est pas suffisamment représentatif du regain d’intérêt que l’on constate à l’échelle internationale pour l’estampe, l’imprimé, l’objet, le livre d’artiste… Les éditions sont présentes partout à la FIAC sur les stands des galeries, alors je ne sais plus vraiment comment définir le secteur édition. J’ai accepté d’y figurer car je défends des Å“uvres multiples mais je ne suis qu’éditeur occasionnel et jamais imprimeur. C’est un peu compliqué à expliquer à tous les gens qui passent.
Que ressentez-vous, à chaud, vis-à -vis de cette nouvelle édition de la FIAC?
On a eu peur que le Hall 5 ne soit pas autant visité que le plus «traditionnel» Hall 4, mais cela n’est pas le cas. Pas d’effet de «jeunisme» non plus, on constate un grand professionnalisme et le Hall 5 n’a pas à rougir devant la «List» de Bâle.
Malgré la séparation entre les Halls 4 et 5 qui sera peut-être à revoir, je trouve qu’il ne s’agit pas du tout d’une Foire «off» ; il y a cette année une meilleure homogénéité, l’art contemporain gagne du terrain et je me sens moins «écrasée» par les modernes à l’entrée du Hall 4. Sans doute, il est vrai que l’époque n’est pas faste et que les stands me paraissent plus «raisonnables».
Avez-vous participé et avez-vous envie de participer à d’autres événements européens ?
J’ai participé deux fois à Paris Photo et j’étais co-fondatrice avec Rik Gadella en 1994 du très sympathique salon Artistbook International qui, avec sa formule légère (chambres d’hôtels) nous a promené de Paris à New York en passant par Cologne. Dès sa première édition, ce salon très ciblé avait su attirer les exposants étrangers que l’on aimerait bien revoir à la FIAC. Pour le futur, si Bâle nous accepte, nous irons !
Quels sont vos critères de sélection aujourd’hui ?
Nous nous intéressons avant tout au travail d’un artiste puis nous examinons sa sensibilité au livre. Certains sont plus littéraires, d’autres plus visuels mais tous doivent appréhender le livre comme médium à part entière et non comme support informatif ou comme outil promotionnel. Nous écartons aussi les «artistes du livre» et les réalisations trop artisanales.
Vous offrez un très large éventail de prix (du badge à 3 euros à la pièce unique, muséale d’une valeur de 80 000 euros, pièce que vous avez produite). En quoi cette volonté d’un art «à la portée de toutes les bourses» sert-elle votre projet ?
D’un point de vue commercial cela ne nous sert pas du tout ! On passe autant de temps à vendre un objet peu cher qu’un objet cher et le bénéfice n’est pas le même.
J’ai refusé de devenir un antiquaire du livre et je ne veux pas me couper de la création contemporaine, alors je ne dirai jamais à un jeune collectionneur qui n’a pas beaucoup de moyens, «vous me faites perdre mon temps !»
Quant à la sculpture de General Idea à laquelle vous faites allusion, Boutique Cœurs Volants, je l’ai produite dans l’euphorie de mon déménagement dans le Marais et pour l’exposition inaugurale. Ce groupe d’artistes canadiens a toujours porté attention au multiple, c’était important pour moi d’ouvrir avec eux. Mais c’était un peu ambitieux et je ne pourrais pas recommencer une telle opération. Il faut alimenter quotidiennement les rayons de la librairie, nous avons déjà du mal à acheter une bibliothèque entière quand elle se présente.
Que nous préparez-vous ?
Nous participons à «Editions & Artists Books Fair 04 » à New York du 4 au 7 novembre dans Chelsea où nous présenterons des livres de Jonathan Monk, Hans-Peter Feldmann et Christian Boltanski. Puis, à Paris, la prochaine exposition qui commence le 11 décembre sera consacrée au chiffre, avec des pièces d’Alexis Boucher, Claude Closky, Richard Kostelanetz et Mario Merz.
Florence Loewy/Books by artists
9-11, rue de Thorigny
75003 Paris
T.01 44 78 98 45
F.01 44 78 98 46
www.florenceloewy.com
info@florenceloewy.com
Mardi-samedi 14-19h.