ART | EXPO

Fleeting Here

08 Mar - 12 Avr 2008
Vernissage le 08 Avr 2008

Sous forme d’un dialogue en noir et blanc, Franziska Furter et  Chris Cornish portent un regard croisé sur le monde. Imaginaire, virtuel, fictif, l’univers visionnaire imaginé par ces deux artistes s’interroge sur la part d’artifice contenue dans toute réalité.

Fleeting Here de Chris Cornish et Franziska Furter

La galerie Schleicher+Lange présente «Fleeting Here», une rencontre entre le travail de Franziska Furter et celui de Chris Cornish. L’œuvre des deux artistes dialogue spontanément dans l’appropriation de plusieurs pratiques, comme celle, traditionnelle, du dessin, et cette autre, technologique – l’image de synthèse. En dépassant le langage des médiums employés, les deux artistes traitent l’image dans l’espace-temps qui lui est propre, dans sa capacité à induire le mouvement de la vie, et en fonction de certaines conceptions de la nature du monde et de l’homme.

Franziska Furter produit des dessins de grandes dimensions, qui lui permettent de créer l’image d’un monde idyllique, évanescent, hanté par une mutation imminente. Nature et artifice se confondent. Entre le vocabulaire de la bande dessinée, des mangas (noir et blanc, science-fiction, vocabulaire codé de manifestations physiques comme les explosions) et celui du dessin virtuose, se forme un univers coupé et collé sur mesure. Il manifeste le caractère instable des éléments qui forment notre environnement : le sol, l’eau, l’air. Ses images sont constituées à partir d’un imaginaire qui emprunte ici et là des lieux communs d’une nature idéalisée et / ou menaçante en les épurant. Ses sculptures contribuent aussi à la création de ce monde parallèle en assumant le volume de façon diaphane dans des formes évolutives. Une matière artificielle est employée pour créer une quatrième dimension où des formes idéales prennent vie.

Dans ses films, sculptures et photographies, Chris Cornish part du monde virtuel pour créer et explorer des espaces fictifs. Ses films montrent notamment les coulisses de la 3D, dans laquelle s’immiscent nos références personnelles, qu’elles soient artistiques ou émotionnelles. Ayant souvent recours à la vision panoramique circulaire, Chris Cornish éveille le souvenir des dioramas (conçus par Daguerre, proclamé inventeur de la photographie) et des premiers panoramas, fruits du désir de recréer la sensation de réalité. Ils forgent ainsi ce « point de vue divin » apporté par la structure panoptique à l’architecture carcérale de Jeremy Bentham. Cet univers qu’il explore autant qu’il ne le crée (en « entrant » dans les décors de jeux d’ordinateur, par exemple) nous ramène à des propos sur l’espace et la surface qui ont pu être tenus au sujet des peintures italiennes du XVe siècle et hollandaises du XVIe, tout en nous rapprochant de références contemporaines comme la peinture monochrome.

Par leur oeuvre respective, Chris Cornish et Franziska Furter stimulent tous deux chez le spectateur une posture d’observateur, celui qui se comporte suivant certaines règles dictées par l’image, qui, dans ce cas présent, est affectée par l’avènement de machines et technologies. Leurs propositions édifient un univers idiosyncrasique dont se dégage pourtant une universalité vide d’aspérités singulières, comme les espaces décrits par Jorge Luis Borges, notamment dans l’Aleph. L’absence de présence humaine et de fil narratif crée un réel qui dénonce d’emblée son artifice – tout comme face à l’icône nous savons être en relation avec un intermédiaire entre deux instances de réalité, celle de l’homme et celle de dieu. Cette ambivalence pose l’observateur entre des images de post-cataclysme, belles et limpides, et sa propre condition temporelle dont l’association a souvent marqué l’art et ébranlé ses convictions, créant ainsi un vide où le doute et la terreur existentielle se faufilent.

Pour «Fleeting Here» Franziska Furter propose un dessin de grandes dimensions, One More Breath, qui semble être sur le point de disparaître, à l’image de la respiration difficile que le titre suggère. Ses titres courts, incisifs et beaux à la fois, sont souvent empruntés aux musiques rock. Les motifs dessinés ou sculptés qui sont quand à eux sortis des contextes du comic book ou de la science-fiction, traduisent la quête d’espaces forgés où s’engage une vision du monde et de la nature à la fois merveilleuse et catastrophée. Chris Cornish présente, de son côté, un nouveau film, Spawn | railgun, des photographies et une sculpture. Spawn | railgun, nous transporte vers un au-delà voyeuriste de la mise-en-scène de notre propre disparition idéalisée. Tandis que les images prises dans des « sets » de films en vue de manipulations digitales font office de suspension temporelle propre aux espaces picturaux de la modernité.

Autant chez Franziska Furter que chez Chris Cornish, l’évanescence et la disparition sont questionnées par la projection de l’observateur dans un univers dont l’artifice recrée les bases même de son existence.

critique

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