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Five Years

PPierre-Évariste Douaire
@12 Jan 2008

Des œuvres inspirées des jeux vidéo et des jeux de rôle, à mesurer au contact du monde des loisirs et des médias. Des œuvres qui également prolongent les interrogations esthétiques formatrices des mythes de la peinture et de l’art.

Kolkoz pratique un art de la proposition, il articule son travail sous la forme de l’invitation. Les modèles qui charpentent ses œuvres sont le jeu vidéo et le jeu de rôle. Ces deux formes, récentes et adolescentes, se sont enracinées au fur et à mesure dans notre imaginaire cinématographique et artistique. Les enfants bercés par cette fantasmagorie s’en emparent pour en faire des œuvres plusieurs années plus tard. Les jeux vidéos tant décriés par le passé deviennent dans l’art un nouveau paradigme. Les rendez-vous lancés par Kolkoz sont donc à prendre dans cette double tendance de réévaluation et de modèle.

L’importance des œuvres présentées à la galerie sont à mesurer au contact du monde des loisirs et des médias. Comme le proposait en 2001 le Centre Georges Pompidou avec l’exposition Au-delà du spectacle, le jeu est au cœur de notre vie et devient un moteur et un outil réflexif. Théoriquement, artistiquement, socialement et économiquement parlant, l’univers de l’amusement, de l’ »entertainment » régente notre quotidien. La société du spectacle vilipendée par Debord n’a jamais été aussi puissante ni autant omniprésente. Cette dernière, avec l’arrivée du virtuel, s’est maintenant clonée, elle s’est multipliée. C’est à l’intérieur de ce monde, de cet interface, qu’officie notre artiste.

Si le travail de Kolkoz colle à l’actualité, à l’ère du temps, il réussit également à prolonger les interrogations esthétiques qui forment les mythes de la peinture et de l’art. Son travail de clonage et de modélisation s’inscrit dans cette tradition du miroir et du double. Les reflets qu’il projette sont de nouveaux Narcisse.

L’artiste en clonant ses modèles, en les digitalisant, les dédouble et les fait entrer dans le monde du Miroir virtuel. Ce transfert, ce passage dans l’irréel, est rendu possible par la création de joueurs. L’autre numérique n’est pas un autre moi-même, mais un nouveau bestiaire, un nouveau gladiateur des temps modernes. Les joueurs ainsi créés, comme dans Player : Kolkoz/Kolkoz.org VI, envahissent nos écrans. Le monde de la musique comme celui de la mode récupèrent ces nouveaux héros. Le dernier clip de NTM, Le Clash (2001), représente les deux chanteurs s’affrontant dans un combat. Ils se battent à travers des marionnettes virtuelles bodybuildées. Plus récemment, Freak (2002), clip censuré de George Michael, reprend cette atmosphère guerrière.

Mais l’offre de Kolkoz ne s’arrête pas là, il propose de vous cloner ou encore de modéliser votre appartement. Finis les portraits photographiques et picturaux, bienvenue dans le monde virtuel. Bienvenue dans l’univers de l’ubiquité, dans celui du Miroir virtuel. Délaissant les wallpaintings devenus la règle dans les vernissages, Kolkoz proposait lors de la première une partie interactive. Chaque spectateur, chaque joueur, pouvait jouer à un jeu proche de Doom, c’est-à-dire jeu de rôle avec hémoglobine. La soirée a été filmée, et la vidéo est consultable au deuxième espace de la galerie Emmanuel Perrotin, de l’extérieur. Ce double écran, composé de la vitre de la galerie et du téléviseur, propose par ce simple procédé, un voyage du dépassement et du franchissement. La leçon à retenir de cette exposition est peut-être celle-ci, essayer à l’aide de moyens nouveaux de rejouer le passé dans un cadre différent. Face à cette nouvelle esthétique, face à ces nouvelles images, il faut du temps pour pouvoir apprécier et appréhender ces nouveaux procédés.

Kolkoz
— Player : Kolkoz/Kolkoz.org V1, 2002.Tirage photographique, aluminium, plexiglas. 80 x 120 cm.
— Screen Shots Kolkoz.org, 2002. 22 tirages photo. 10 x 15 x 22 cm.
— Kolkoz. org/Level 4 : Grand Callas, 2002. Tirage photo, aluminium, plexiglas. 80 x 100 cm (fermé) et 80 x 200 cm (ouvert).

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