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Five X Five

Des silhouettes, des écritures, des calculs d’astrophysiciens, chacun de ces symboles parsème les supports de l’artiste. A la surface de globes, de cylindres et de «T» en verre, Matt Mullican inscrit toutes sortes de signes : des bonshommes, des formes géométriques, des schémas de planètes.
Dans le même esprit, des feuilles de papiers sur panneaux de bois et des toiles noires et blanches présentent des calligraphies inconnues. Ça et là des photographies, en réalité des pictogrammes, offrent au regard des formes lunaires, spatiales, striées d’écritures.
Enfin des vitraux, jaunes, bleus, verts et rouges, montrent des formes géométriques — carrés, rectangles, cercles et triangles —, cernées de plomb et d’acier. Ils évoquent les représentations symboliques du Moyen Âge mais aussi de l’abstraction russe. Ainsi, le champ de vision est avec Matt Mullican saturé de signes.

Cela dit, ces symboles restent mystérieux au premier abord. Pris isolément, les signes imprimés sur les globes, cylindres et panneaux de verre font sens : un bonhomme est un bonhomme, une planète est une planète. Mais, la relation qui les lie est indéchiffrable. En effet, comment comprendre ce qui réunit sur un même globe un personnage et des figures géométriques ? De même, malgré tous les efforts fournis par l’œil, il est impossible de lire les calligraphies inscrites sur les toiles et les feuilles en papier. Idem pour les pictogrammes sur lesquels sont inscrits des notes et des calculs.
En d’autres termes, en donnant un caractère étrange à ces signes, Matt Mullican s’attache à leur faire perdre leur fonction initiale. Leur signifié disparaît derrière leur signifiant. De fait, le regard est dévié de la fonction du symbole — son sens conceptuel —, vers sa matérialité : les figures géométriques, mais aussi les écritures et les personnages sont appréciés pour leurs qualités formelles davantage que pour leurs sens.

Mais cette défonctionnalisation des symboles, ce retour sur leur support matériel, n’est que la première étape du travail de l’artiste. Après avoir détaché les signes de leurs signifiés pour n’en garder que les signifiants, il leur réinjecte un nouveau sens. Celui-ci provient du système élaboré par Matt Mullican, intitulé la «Théorie des cinq mondes» ou «Théorie des cinq sujets », selon lequel l’univers est divisé en cinq parties : la nature, la vie quotidienne, les arts et les sciences, les significations codées et enfin la psychologie.

A l’intérieur de cette pensée, chacun des symboles mentionnés plus haut réintègre une signification. Ils appartiennent tous à une cosmologie propre à l’artiste. En dehors de lui, nul individu ne peut connaître au préalable son système de signes. Le sens commun a été évacué au bénéfice d’un sens privé, celui de l’artiste. En cela Matt Mullican s’inscrit, hélas, dans une des tendances les plus suspectes de l’art contemporain, à savoir la tendance à l’autisme.

Matt Mullican
— Evolving Chart, Stained Glass #2, #3, #4, #5, 2008. Verre coloré, plomb et acier. (120 x 60 x 10 cm) x 5.
— Learning From That Person’s Work (I Love To Work) (Rubbing), 2009. Frottage sur toile. 270 x 230,5 cm.
— Brush Pen #1, 2009. Ensemble de 192 dessins sur panneau d’affichage. 250 x 122,5 x 8 cm.
— Untitled (Chart on Glass Panels), 2008. Marqueur sur verre. (61 x 31,8 x 16,5) x 2.
— Untitled (Chart on 5 Glass Balls), 2008. Marqueur sur verre. Diamètre : 15 cm.
— Untitled (Experiment With Light), 2001. Duratrans. (50,6 x 40,5 cm) x 2.
— Untiltled (Chart on Cylinders), 2009. Marqueur sur verre. Dimensions variables.

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