Mathilde Rosier occupe, avec un art consommé de l’association improbable, l’espace ingrat dévolu à la Programmation satellite: un escalier, une mezzanine et un plateau au sous-sol. Les ingrédients sont éclectiques, pour ne pas dire surréalistes: petites photographies noir et blanc prises lors de la découverte archéologique de la tombe de Toutânkhamon en 1922, film animalier tonitruant, remise encombrée d’un bric à brac indéfinissable, entre brocante et réserve de théâtre.
Attablé à un guéridon, face à un théâtre de poche vide, qui ressemble à s’y méprendre à la pièce exiguë dans laquelle se tiennent les musiciens du film projeté dans la mezzanine, dont les pyjamas, costumes de scène et «peaux de rêves», sont pendus dans un cabinet-coulisse jouxtant la scène reconstituée, et dont on a vu et entendu le jazz rock tenter d’insuffler son énergie débordante aux ondulations poussives d’une limace, grignotant ce qui se révélait être, après un élargissement du champ, une banale plante verte, posée sur le rebord d’une fenêtre; attablé au guéridon, donc, on peut lire, dans le catalogue, qui est, encore une fois dans cette programmation, une extension de l’installation, une histoire épique à rebondissements multiples, obtenue par collage de fragments d’un roman gothique de XVIIIe siècle, et illustrée, par les soins de l’artiste, de photographies prises dans sa maison de Bourgogne, où visiblement le film a été tourné, et sur lesquelles on reconnaît le mobilier, les aquarelles, les vitrines naturalistes, qui entourent le spectateur.
Bref, un mélange inextricable de réel et de fiction, de nature et de culture, d’ici et d’ailleurs, de faits, poussiéreux ou particulièrement anodins, et de rêves, frôlant le fantastique, dans un emboîtement de mises en abyme, pour une plongée (dont l’escalier et la découverte du tombeau seraient une métaphore) dans les tréfonds d’un inconscient archaïque (incarné par l’animal et la musique qui échappent toujours à l’entendement, selon l’artiste), tout en prenant soin d’en révéler l’envers du décor : soit le décor lui-même, mais faux, puisque reconstitué. La boucle est bouclée par le titre de l’exposition Find Circumstances in the Antechamber qui était la légende, insolite, d’une des photographies représentant l’antichambre de Toutânkhamon lors de sa découverte.
Happé par cette succession de chausse-trapes, le spectateur a vite perdu le fil du réel, pour échouer dans cette antichambre insituable et hors du temps, mais aussi familière qu’un conte fantastique et sa traversée du miroir.
Å’uvre
— Mathilde Rosier, Find Circumstances in the Antechamber, 2010. Installation.
Publications
— Mathilde Rosier, texte d’Elena Filipovic, Ed. Jeu de Paume, Paris, 2010.