Bethan Huws
Films et Ready-mades
Depuis une trentaine d’années, le parcours artistique de Bethan Huws s’appuie essentiellement sur le langage. La simplicité, le doute, la remise en question des mots et des phrases que nous utilisons chaque jour caractérisent sa recherche. Des textes peints sur le mur, ou sertis dans des vitrines administratives lui permettent de s’adresser à chacun de nous pour énoncer des aphorismes, remettre en cause certaines idées reçues (Which came first the chicken or the egg? The egg, as it’s the more primitive form. That’s logic, 2001), faire des déclarations, rendre hommage à certains artistes (Yves Klein, René Magritte, On Kawara, Richard Hamilton, Andréas Slominski, Marcel Duchamp,…) ou nous faire part de ses interrogations (Qu’est-ce que tu penses? Je pense pas, je regarde, 2006; What’s the point of creating more artworks when you don’t understand the ones you’ve got, 2006).
Son intérêt pour Marcel Duchamp, père de l’art conceptuel, remonte à de nombreuses années. Elle précise: «La première fois que j’ai rencontré Fountain en chair et en os, pour ainsi dire, je ne l’ai pas reconnue comme une oeuvre d’art; j’ai simplement reconnu un urinoir sur un socle, et alors? C’est seulement plus tard, avec un peu de travail en plus de ma part, quand j’ai mis le mot «Fontaine» sur la chose «urinoir», que la grande roue a commencé à tourner». Elle approfondit notamment les jeux de langage de Duchamp, et son étroite relation avec Guillaume Apollinaire, proposant une lecture totalement renouvelée du fameux ready-made, sous l’angle de la métaphore plutôt que du concept.
En 1993, elle fait une apparition fulgurante sur la scène britannique en réalisant son premier film, Singing for the Sea, juxtaposition d’un choeur folklorique bulgare au rivage du Northumberland, au Nord-Est de l’Angleterre. Dix ans plus tard, elle réalise un autre film The Chocolate Bar, sorte de fable sur la notion de concupiscence qui nous fait changer d’époque à travers trois lieux et trois personnages interprétés par le même acteur gallois Rhys Ifans. En 2009, un quatrième film, Fountain, reprend les neuf étapes successives que requiert la vision détaillée de la dernière oeuvre de Duchamp (Etant donnés: la chute d’eau, le gaz d’éclairage) comme principe de montage d’images de fontaines filmées à Rome l’année précédente. «Comment ce que nous entendons correspond à ce que nous voyons?» résume-t-elle. Ces trois films sont présentés dans l’exposition.
En 2003, elle réalise un grand nombre de ready-mades, dont certains ne sont pas des objets mais des éléments vivants, périssables. En parallèle, elle produit également des poèmes-objets et des sculptures variées: ready-mades aidés ou assistés, petits bateaux en jonc, objets agrandis, soclés, emboités sous altuglass, sérigraphiés, moulés,… Les sculptures sélectionnées sont surtout des ready-mades «frais», c’est à dire destinés à flétrir, et irrémédiablement liés à l’idée de vanité. Ces deux angles, cinématographique et sculptural, constituent l’armature de l’exposition.
En complément, des oeuvres de langage sont également présentées. Quelques Word Vitrines précisément choisies et un texte en néon éclairent l’ensemble sous un jour réflexif, énigmatique ou simplement poétique.