Présentation
Jean-Marc Adolphe
Festivals et voies buissonnières
Extrait de l’éditorial, par Jean-Marc Adolphe (p.13)
L’autre soir, près de Mouvement, dans le quartier parisien de Belleville, des étudiants marocains étaient réunis pour organiser la solidarité avec les mouvements qui réclament, dans leur pays comme dans d’autres pays arabes, des changements démocratiques. En Tunisie et en Égypte, où une page a été tournée avec le départ de Ben Ali et de Moubarak, la situation reste fragile. De la Lybie à la Syrie, jusqu’au Yémen, la répression est brutale. En Algérie, un important dispositif policier a jusqu’à présent contenu la révolte. Le Maroc, enfin, semblait prendre le chemin d’une ouverture démocratique, mais les marches pacifiques du 22 mai 2011 ont été violemment dispersées par la police.
Un mot symbolise la monarchie chérifienne et sa façon d’exercer le pouvoir: le Makhzen. Désignant autrefois toutes les institutions régaliennes de l’Etat (justice, administration, armées, police…), il est resté dans le vocabulaire courant et qualifie un «système absolu» qui ne souffre aucune contestation. Nos «démocraties occidentales» seraient, bien entendu, à l’abri de tels abus de pouvoir. Certes, le droit de manifestation y est préservé, et les élections peuvent s’y dérouler librement. Mais pour autant, et toutes proportions gardées avec des dictatures où le simple usage de la libre expression peut faire encourir de très sérieux ennuis, nous ne sommes pas exempts du régime de ce que Bernard Noël a appelé la «sensure». L’administration de la culture s’y emploie. Elle sélectionne et exclut, évalue ce qui doit être soutenu et ce qui doit disparaitre.
D’une structure associative qui, à Marseille, défend depuis des années les «musiques innovantes» à travers un festival et des actions internationales avec le continent africain, un conseiller régional des affaires culturelles estime qu’elle a «fait son temps» pour justifier une baisse de subvention. C’est encore sans autre forme de procès, qu’à Bordeaux un couperet semblable tombe sur un lieu, le TNT-Manufacture de chaussures, coupable d’accueillir certaines formes de création contemporaine et de faire exister des projets de proximité dans un quartier où la municipalité nourrit des projets de requalification urbaine.
SOMMAIRE
— Le cours des choses
— Matières vives
— Culture: leurre de la révolte
— L’adresse à Bernard Heidsieck
— La vie matérielle
— La voix royale
— Convoyeur de mémoires
— En jachère des interfaces
— Créations en résistance
— Festivals et voies buissonnières
— USA-Irak, les voix de la guerre
— Contre la sensure
— Le poème, prophétie du langage
— Quand le cinéma devient poème
— (Se) libérer (de) l’image
— Bohémienne des sons
— Logique et boule de gomme
— Whitman-Twombly et Shakespeare-Sehgal
— L’agenda des possibles