Shanti Masud
Festival (tjcc). Métamorphoses
Métamorphoses associe la tradition foraine des attractions du cinéma primitif (les transformations de Méliès, les têtes coupées, transformées, écrasées, dupliquées, éclatées, le tout en gros plans fixes) avec un romantisme mélancolique d’une fureur ébouriffante.
Huit acteurs, huit figures récitent un texte face caméra (ils ne le disent pas, les mots sortent avec trop de fluidité, il s’agit bien de jeu, de texte, et de diction) sur un fond en accord avec l’humeur et la nature de leur identité féérique. Car chacun se transforme peu à peu en une bête mythologique, du loup-garou à la licorne, en passant par le vampire (Nicolas Maury, saisissant) à travers les procédures conjuguées du jeu des acteurs, leurs déformations à vue, du montage avec le fondu, du maquillage avec les prothèses, et du numérique.
Dans une économie digitale a minima, Shanti Masud juxtapose les strates historiques du cinéma d’apparition et de changements de têtes, du montage Méliésien, aux prothèses du fantastique des origines à aujourd’hui, dans un mouvement synthétique récapitulant l’histoire des processus de transformation depuis les premiers temps. À ces jeux d’attractions répondent des contrechamps cosmiques en images de synthèses, dont l’artifice rime avec les procédés artisanaux convoqués pour défigurer les acteurs. L’artifice, même le plus moderne, est sollicité pour sa beauté platonique et inoffensive. Tout est faux, tout est simulacre dévoilé, pourtant l’émotion submerge et fait mouche dans sa simplicité enfantine.
Ainsi, le mauvais goût assumé de l’esthétique heroic fantasy se trouve sublimé par les nappes prophylactiques d’Ulysse Klotz dans un tourbillon de sensations diluviennes. Ouvert au lyrisme et aux sens, Métamorphoses s’offre aux nuits archaïques et à l’enfance du temps : le temps des mythes, les premiers temps du monde et les premiers temps du cinéma.