Le socle du Nouveau Festival est constitué des arts plastiques, dont on sait que les formes se sont depuis longtemps dématérialisées, hybridées, mixées, sonorisées, incarnées, bref que les frontières entre les disciplines artistiques se sont largement brouillées, superposées, ouvertes, reléguant la pureté moderniste à l’Histoire. Ce Nouveau Festival, qui n’est donc pas une exposition, est une façon de rendre compte de cet état de l’art.
Le point nodal en est la Galerie sud, ouverte sur l’Espace 315, deux lieux du Centre traditionnellement dévolus à la création contemporaine. Ils accueillent les installations permanentes, de plain-pied avec la rue. Dans un salutaire brouillage, là encore, des limites entre extérieur et intérieur.
Notamment grâce au manège enchanté de Carsten Höller, qui tourne (trop) lentement, inlassablement, sans arrêt, n’embarquant aucun passager, et qui rutile de tous les reflets, des autres installations et de la rue, que renvoient les miroirs dont il est couvert.
Ses guirlandes d’ampoules lumineuses se reflétant elles dans les baies vitrées, ce qui le projette dehors, dans l’espace publique, lieu naturel d’une telle attraction foraine, qui n’en est pas une. Ce carrousel scintillant et mélancolique perturbe les sens et l’espace, mais prend implacablement la mesure du temps qui passe.
Un temps qui, dans ce Festival, est rythmé et discontinu, actant ainsi que la durée, celle du cinéma, des vidéos, des performances ou du théâtre, est désormais un matériau de l’art contemporain. Un samedi matin, avant l’arrivée de la foule, c’est le temps mort de l’attente. Seules les installations permanentes s’offrent au visiteur, comme le décor d’événements à venir.
Le Studiolo, qui fait office de cabane d’isolement au centre de la Galerie, invite le spectateur, derrière ses rideaux et miroirs sans tain, à peindre une curieuse scène de main qui respire, en chacune des couleurs du spectre grâce à un rudimentaire potentiomètre : un ironique degré zéro de l’interactivité.
Le couloir-boudoir de Jorge Pardo est quant à lui inaccessible, pour des raisons de sécurité, nous informent les médiateurs, nombreux et prévenants. Le kiosque à musique de Coktail Designers et Olivier Vadrot est silencieux. Hors service à cette heure matinale. Il reste à consulter le catalogue du Festival, allongé sur une méridienne en compagnie d’une créature carapaçonnée (In Bed With a Cold Blooded Animal).
Visiter une architecture rudimentaire, de bois blanc et d’aggloméré, qui fait office de mini musée de la céramique d’une improbable petite ville allemande dont c’est la spécialité, et qui offre depuis sa terrasse conviviale, avec fauteuil Bauhaus et pouf, une vue imprenable sur l’exposition (Haldensleben 05/07). Quoique des rideaux noirs peuvent, selon les besoins, de la scène, des projections, de l’activation de certaines installations, cloisonner l’espace et boucher la vue.
Sur un côté de la galerie, une imposante cage grillagée enferme, comme montées tout droit des réserves du musée, des œuvres picturales. Dont une, accrochée à la grille comme à une cimaise, semble avoir été extraite : une toile de Stéphane Calais, En France, 2008, qui devait faire l’objet de la séance du jour de Peinture parlée. La peinture, dont la mort sans cesse annoncée n’en finit pas d’être différée, n’est donc plus objet de contemplation silencieuse et intime, mais, au contraire, n’accède à la lumière qu’en tant qu’objet discursif et public.
Une programmation vidéo, sur grand écran, devant un parterre désorienté de sièges, chaises, fauteuils, canapés, aux design dépareillés, propose un voyage quotidien au cœur des Mythologies urbaines et technologiques que recèlent les collections vidéographiques du Centre.
L’espace 315 enferme dans la pénombre d’une salle de spectacle au repos, un kiosque de comedia dell’arte, une boîte-scène surmontée, comme d’un étendard, d’un gigantesque masque de commandeur au nez tordu et démesuré. Il accueille le visiteur pour une programmation au titre-calembour de Beaubourg-la-Reine, un «farci» orchestré par la Compagnie du Zerep, qui propose un mélange de farces, de dérision et de culture pop : star seventies du music-hall, chanteur oriental de charme, élucubrations de critique d’art, théâtre de la cruauté, concert de la médiocrité, etc., bref une sorte de nouveau Zapping Dada, auquel avait d’ailleurs participé la Compagnie en 2006.
D’autres rendez-vous encore jalonnent les lieux et la journée, tout aussi hybrides, convoquant littérature (Rosebud), poésie (Bruits de bouche), et performances (Conférences-performances).
Et puis il y les œuvres discrètes, à la limite du perceptible. Ainsi l’autoportrait de Beaubourg, par Frank Leibovici, qui dissémine tels de légers cartels à emporter, des lambeaux de phrases, entendus, trouvés dans le Centre et ses publications. Le Teatrino Palermo, de Pierre Leguillon, pour des apparitions brèves et éphémères, et les propositions de métamorphose par Ben Kinmont, qui se prolongent dans quelques restaurants et bistros parisiens. Ou bien, le sol ondulant du Forum, installé par Vincent Lamouroux, près de la salle consacrée à la programmation Vidéodanse. Ce samedi matin, ce sont les enfants qui s’approprient ses buttes en guise de toboggans.
Il y a aussi une riche programmation dans la Grande Salle, et une exposition imaginée par le chorégraphe Christian Rizzo, consacré au corps et ses représentations, de Valérie Belin à Ai Weiwei, à la Conciergerie, lieu on ne peut plus aux antipodes historiques et architecturaux du Centre Pompidou.
Bref il faudra revenir, la gratuité (hors la Grande Salle et la Conciergerie) l’autorise. Mais à partir de 14h, pour voir s’animer les installations, les corps et les espaces. Et pour se reposer de ce foisonnement éclectique et stimulant, on s’enfoncera dans l’un de ces fauteuils de salon qu’Olivier Bardin a installés dans le hall, et ainsi jouir du ballet continu des entrées et sorties du Centre sur la toile de fond de la piazza, s’ils ne sont pas tous occupés par des touristes épuisés, devenus à leur insu éléments d’une œuvre aussi incongrue qu’indétectable. «Les observations [pourront] être signées ou rester anonymes» (Franck Leibovici, Nos secrets en alcôves).
Les artistes
Andrea Blum, Ben Kinmont, Carsten Höller, Jorge Pardo, Manfred Pernice, Olivier Vadrot et Cocktail designers, Zlatan Vukosavljevic, Franz West, Heimo Zobernig, Bérard et le fils du chanoine, Marco Berrettini, Xavier Boussiron solo, Marie-Pierre Brébant, Philippe Duquesne, Forced Entertainment, Laurent Friquet, Rita Gombrowicz, Alejandro Jodorowsky, Jean-Yves Jouannais, Philippe Katerine, Les Kellers, La Compagnie du Zerep, Arnaud Labelle-Rojoux, Marie France, Mister Claquette, Jean-François Pauvros et Charles Pennequin, Corinne Petitpierre, Sir Alice + Julie Nioche, Claudia Triozzi, Doris Uhlich, Davide Balula, Olivier Bardin, Tobias Rehberger, Vincent Lamouroux, Elmgreen et Dragset, Solistes de l’ensemble intercontemporain, In Famous Carousel: Boubakar Trasié, Steven Stapleton et Andrew Liles, Stars Like Fleas, Steven Cohen, La Ribot, The Wooster Group, Jacquelin Caux / Gavin Bryars, Pierre Leguillon, Hans Op de Beeck, Valérie Belin, Bless, Shary Boyle, Olaf Breuning et Bernhard Willhelm, Don Brown, Berlinde de Bruyckere, James Lee Byars, Maurizio Cattelan, Hussein Chalayan, Merce Cunningham et Rei Kawakubo, Folkert de Jong, Ludovic Debeurme, Richard Fauguet, Daniel Firman, Gloria Friedmann, Katharina Fritsch, Mario Garcia Torres, Steven Gontarski, Felix Gonzales-Torres, Anthony Gormley, Erik Halley, Lothar Hempel, Pierre Joseph, Benoît Méléard, Izhar Patkin, Bruno Pelassy, Kiki Smith, Tomoaki Suzuki, Jean-François Texier, Xavier Veilhan, Jean-Luc Verna, Marnie Weber, Ai Weiwei, Beñat Achiary et, Didier Lasserre, Edith Azam, Eduard Escoffet, Sébastien Lespinasse, Donatienne Michel-Dansac, Katalin Molnar et, David Christoffel, David Moss, Julien Tarride et, Michel Thion, Vincent Tholomé,, Maja Jantar et, Sebastian Dicenaire, Trevor Wishart, Jean-Philippe Antoine et, Leif Elggren, Patrick Bernier,, Sébastien Canevet,, Olive Martin et, Sylvia Preuss-Laussinotte, Étienne Chambaud et, Benoît Maire, Guillaume Désanges, Eric Duyckaerts, Andrea Fraser, Aurélien Froment, Jean-Yves Jouannais, Loreto Martinez-Troncoso et Jochen Dehn, Barbara Matijevic et, Giuseppe Chico, Bérard et le fils du chanoine, Marco Berrettini, Xavier Boussiron solo, Marie-Pierre Brébant, Philippe Duquesne, Forced Entertainment, Laurent Friquet, Rita Gombrowicz, Alejandro Jodorowsky, Jean-Yves Jouannais, Philippe Katerine, Les Kellers, La Compagnie du Zerep, Arnaud Labelle-Rojoux, Marie France, Mister Claquette, Jean-François Pauvros et, Charles Pennequin, Corinne Petitpierre, Sir Alice + Julie Nioche, Claudia Triozzi, Cécile Bart, Martin Beck, Boris Charmatz, Patricia Falguières, Yves Godin, Marie-Ange Guilleminot, Philippe Millot, Conny Purtill, Clément Rodzielski, Bureau of Inverse Technology, Anouk de Clercq, Joseph Dabernig, Peter Downsbrough, Karo Goldt, Laurent Grasso, Jean-François Guiton, Harald Holba, Thomas Köner, m.ash, Nicolas Moulin, Rachel Reupke, Lotte Schreiber, Michaela Schwentner, Semiconductor, Nick Thoenen , et Timo Novotony, Cécile Bart, Glenn Brown, Daniel Buren, Stéphane Calais, John Currin, Peter Doig, Bernard Frize, Gérard Garouste, Wade Guyton, Peter Halley, Edi Hila, Jonathan Meese, François Morellet, Sarah Morris, Olivier Mosset, Albert OEhlen, Elizabeth Peyton, Yan Pei-Ming, Anselm Reyle, Yvan Salomone, Wilhelm Sasnal, Alain Séchas, Rudolf Stingel, John Tremblay, Luc Tuymans, Ida Tursic & Wilfried Mille, Kelley Walker, Christopher Wool, Heimo Zobernig, Michka Assayas, Olivier Cadiot, Florence Dupont, Cécile Guilbert, Patrick Mauriès, Danielle Mémoire, Emmanuelle Pireyre, Pierre Senges, Tanguy Viel, Enrique Vila-Matas
Les Å“uvres
Les dispositifs permanents
— Sophie Perez et Xavier Boussiron, Beaubourg-la-Reine (2009)
— Carsten Höller, Mirror Carousel (2005)
— Jorge Pardo, Untitled (Light House) (2002)
— Manfred Pernice, Haldensleben 05-07 (2005-2007)
— Olivier Vadrot & Cocktail Designers, Kiosque électronique (2004)
— Franz West, Zlatan Vukosavljevic, Heimo Zobernig, Studiolo (2005)
— Pierre Leguillon, Teatrino Palermo
— Franck Leibovici , Nos secrets en alcôves (Beaubourg : un autoportrait), (2009)
— Ben Kinmont, On becoming something else (2009)
— Tobias Rehberger, Outsiderin et Arroyo grande 30.04.02-11.08.02 (2002)
— Davide Balula, Amulette de protection magnétique (Amulet the Magnet) (2007)
— Andrea Blum, In a bed with a cold-blooded animal (2008)
— Olivier Bardin, Exhibition Continues, (2009)
— Vincent Lamouroux, Sol.07 (2008-2009)
Les rendez-vous
— Bruits de bouche, le mercredi à 19h et le samedi à 15h, Galerie Sud ou petite salle selon les séances
— Conférences-performances, le lundi et le vendredi à 19h, Galerie Sud ou petite salle selon les séances
— Beaubourg-la-reine, Sophie Perez et Xavier Boussiron/La Compagnie du Zerep, du mercredi au dimanche, performances de 15h à 20h (en partie retransmises sur le grand écran de la Galerie Sud), projections le lundi de 11h à 21h, espace 315
— Teatrino palermo, Pierre Leguillon investit «les seuils et les passages» du festival, avec des formes courtes qui viennent s’immiscer entre les différents événements.
— Ovnividéo (objets vidéo non identifiés), Mythologies urbaines et technologiques, projections sur le grand écran visible depuis l’extérieur, le jour, la nuit
— Une peinture parlée, une actualité de la peinture en trente tableaux, chaque jour à 14h, galerie sud
— Rosebud, le samedi et le dimanche à 17h, galerie sud (suivi d’une projection de film le dimanche)
— Vidéodanse, Quand le réel entre dans la danse, chaque jour, de 11h à 21h, forum -1
Hors les murs, Ã la Conciergerie
«Le sort porbable de l’homme qui avait avalé le fantôme», commissaire Christian Rizzo.
Voir aussi la programmation de spectacles dans la Grande Salle
Publications
Le Nouveau Festival du Centre Pompidou, Catalogue, Ed. Centre Pompidou, Paris, 2009.