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Festival d’automne. Trisha Brown Dance Company

Trisha Brown apparaît comme une figure majeure de la danse post-moderne. Par l’initiation d’un travail de danse in-situ (Early Works), la construction d’une grammaire gestuelle minimale, le travail d’improvisation, la recherche d’un mouvement continu qui trouve en lui-même ses sources, l’attention portée aux transferts de poids, mais aussi l’utilisation de la vidéo ou du langage, elle a effectué une révolution structurelle qui n’en finit pas de se poursuivre et/ou de se répéter dans la création chorégraphique contemporaine. Si ses créations pour la scène, seconde partie de son Å“uvre magistrale, incluent costumes, décors et lumières, elles n’en demeurent pas moins étanches à l’anecdotique.

Le premier programme expose différents aspects de son engagement chorégraphique. For MG: The Movie (1991) est un hommage rendu à celui qui a compris l’importance de son travail et l’a soutenue sans faillir: Michel Guy, le créateur du Festival d’Automne. Devant un mur de fumée et d’éclairage en clair-obscur, les  huit danseurs opposent l’immobilité à une étude des déplacements. Rebonds, trajectoires à reculons, en diagonale, en spirales — un premier danseur emplit l’espace tandis qu’immobiles, deux autres corps affirment leur verticalité.
Le corps dansant est une abstraction chez Trisha Brown, une succession ininterrompue d’organisation anatomique. L’ombre d’une verrière, au sol, déplace la pièce du plateau au studio, comme un hommage au travail. La musique, composée par le pianiste Alvin Curran, intègre des bruits de rues, des bourdonnements, des cris ou des appels et participe pleinement à l’active mélancolie qui règne sur le plateau. Des unissons apparaissent et se défont, l’amas s’oppose à la solitude et les saluts eux-mêmes sont dansés.

Homemade (1966) est un solo de référence — dansé ici par Vicky Shic — qui met en jeu les rapports entre la danse et les outils multimédia. Une danseuse porte dans son dos un projecteur de cinéma et nous voyons sur le mur de fond de scène son image, son double. Celui-ci évolue avec les mouvements de la danseuse, apparaît au plafond, disparaît dans la salle tandis que la lampe éblouit ou poursuit ses propres mouvements. La séquence qui voit l’interprète faire danser son image en secouant la tête est un sourire, une réflexion joyeuse sur les multiples possibilités d’un rapport danse et images filmées: décalage, dédoublement, immobilité feinte, déformation de l’image selon les supports de projections, etc. Dans ce solo de 1966, la réflexion sur l’usage de la vidéo surprend par sa constante actualité.

Pour clore ce programme, sept danseurs interprètent l’immense Newark, Niwoweorce , créé en 1987 au Centre National de Danse Contemporaine d’Angers. En collaboration avec Donald Judd — peintre et sculpteur minimaliste qui signe la scénographie et la conception sonore — Trisha Brown met en scène ses recherches formelles géométriques tout en continuant à déconstruire les codes de la danse: les duos renversent ainsi les relations de genre qui y sont associées, les femmes portent les hommes, les positions ne sont pas seulement glorieuses ou d’abandon…
Donald Judd travaille les couleurs primaires en panneaux qui descendent sur le plateau, dissimulant les danseurs ou les séparant. Les partitions chorégraphiques et sonores jouent des multiples possibilités de répétition et/ou de dédoublement, tandis que le spectateur mesure combien l’épaisseur émotionnelle et charnelle peut se loger dans l’abstraction et le minimaliste.

Après l’Opéra de Lyon, le Festival d’Automne rend hommage à une figure révolutionnaire et fondatrice de la danse internationale. Trisha Brown a donné naissance à une danse libérée, qu’elle dit «improbable, imprévisible, continue», une danse construite autour de l’axe de la colonne, de la joie de bouger, du «laisser-faire» à l’intérieur de contraintes très précises. Elle a développé un système de composition mathématique qui fait du corps l’inconnue x que l’on peut intégrer à toutes sortes d’équations afin de faire de la chorégraphie une réelle géométrie dans l’espace. Elle fait partie des rares à avoir inventé un système de notation, de partition, fondé sur l’écriture de l’énergie. Au moment où son esprit semble définitivement parti ailleurs, il est temps si ce n’est déjà fait de mesurer son importance, de faire le tour des vidéos disponibles et de se pencher sur les apports de la Grande Union initiée par Steve Paxton.

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