Présentation
Texte de Maurice Nadeau
Ferdinando Scianna
Coopté par Henri Cartier-Bresson son «maître de toujours», Ferdinando Scianna, né à Bagheria, en Sicile, en 1943, est le premier photographe italien à rejoindre, en 1982, l’agence Magnum. A 37 ans, cette reconnaissance par ses pairs vient aussi confirmer la place cardinale occupée par Scianna sur la scène photographique italienne de l’après-guerre.
Sicilien d’origine, Scianna commence par photographier passionnément son île puis poursuit des études de lettres et de philosophie à l’université de Palerme. Cette formation classique et humaniste explique en grande partie la dimension profondément littéraire — mais aussi ethnologique — de son œuvre.
En 1962, il expose Fêtes religieuses en Sicile qui impose son talent et provoque sa rencontre déterminante avec l’écrivain Leonardo Sciascia. Le livre éponyme, qu’ils cosignent, obtiendra en 1966 une mention au prestigieux Prix Nadar. A travers visions et témoignages des rites religieux et des fêtes paysannes siciliennes, Scianna et Sciascia partagent le même intérêt pour les mœurs et la culture sicilienne, et fondent dans cette dyade étonnante une amitié profonde qu’ils cultiveront jusqu’à la mort de l’écrivain en 1989. «C’est Sciascia, dira Scianna, qui m’a introduit à une certaine manière de voir les choses, à me situer par rapport aux autres et au monde, qui, tout simplement, m’a appris à penser».
Journaliste et photographe, Scianna s’installe en 1974 à Paris pour une dizaine d’années comme correspondant permanent de l’Europeo. Il collabore régulièrement au Monde diplomatique et à la Quinzaine littéraire. A partir de 1987 il se consacre à la photographie de mode, élargissant son audience et renouvelant significativement sa manière sans pour autant délaisser le reportage qu’il pratique au cours de nombreux voyages.
Fin lettré, Scianna se liera d’amitié avec des auteurs comme Jorge Luis Borges, Alberto Savinio, Vicente Consolo, Dominique Fernandez ou Milan Kundera. Ses portraits de Borges, Barthes ou Kundera sont aujourd’hui emblématiques.
Ferdinando Scianna incarne une forme rare de photographie qui se lit à plusieurs niveaux et dont la qualité de regard s’appuie sur une élaboration intellectuelle et analytique nourrie d’une vaste culture.