Artie Vierkant
Feature Description
Artie Vierkant, artiste américain basé à New-York, né en 1986, appartient à cette nouvelle génération qui travaille sur la manière dont Internet a bouleversé en profondeur notre relation à l’art et au monde. Remarqué pour la série «Image Object», il s’est également fait connaître par un texte écrit à l’âge de 24 ans, The Image Object Post-Internet (2010), dans lequel il pose les bases théoriques de sa pratique et plus largement de ce que l’on nomme communément aujourd’hui le Post-Internet.
Le travail d’Artie Vierkant est marqué par les changements induits d’un point de vue culturel par l’importance croissante d’Internet dans le monde contemporain qui modifie inexorablement notre rapport à l’art, à la circulation des œuvres et des images ainsi qu’aux questions relatives aux droits d’auteur. Il y pointe les retours incessants entre les dimensions physiques et digitales du réel contemporain tout en y établissant un distingo: il altère les photos de ses expositions qui, diffusées sous quelque forme que ce soit et plus particulièrement sur Internet et les réseaux sociaux, proposent un autre, un différent. L’expérience perceptive et cognitive de l’œuvre s’en trouve modifiée.
A l’occasion de «Feature Description», Artie Vierkant présente six nouvelles pièces d’une série inédite «Bodyscan Object» et deux vidéos: Antoine Office et Antoine Casual. S’il reprend des thématiques déjà présentes dans ses travaux précédents, il s’éloigne cependant de l’abstraction de la série «Image Object» pour se confronter à la représentation de la figure humaine.
La série «Bodyscan Object» découle d’un processus. Artie Vierkant réalise des photogrammétries de personnes en tenue de travail ou en tenue décontractée. Les 200 prises de vues HD, simultanées et à 360 degrés de la même personne, sont recomposées par un logiciel point par point, «Feature Description», pour obtenir une image parfaite en 3D. Artie Vierkant redéploie ensuite en 2D l’image obtenue en 3D qu’il retravaille sur ordinateur. Il en extrait des fragments aux formes abstraites, à la fois cartographiques et organiques, directement imprimés sur Dibond brossé.
L’effet produit est singulier. Des fragments de corps apparaissent dans des effets de textures moirés et nacrés, jouant sur les pleins et les vides des découpes pour produire une rythmique des cimaises de l’espace d’exposition. S’il rejoue ainsi des questions chères à l’histoire de l’art comme la mimesis, le portrait, la perspective, la fragmentation, il interroge en termes artistiques plus que démonstratifs le droit à l’image de soi au moment même où nous mettons en scène notre apparence sur les réseaux sociaux pour en être dépossédés.
Cette dépossession de soi est d’autant plus présente dans Antoine Office et Antoine Casual. Pour réaliser ces deux vidéos, Artie Vierkant applique au fichier 3D numérique des animations toute prêtes de mouvements humains simplifiés acquises en ligne. Antoine est ainsi l’auteur d’étranges chorégraphies qui semblent lui échapper. Ces deux vidéos troublent par une oscillation permanente entre réalisme et fantastique. Par ailleurs, les tenues vestimentaires arborées par Antoine, qu’elle soit de travail ou décontractée, répondent à des conventions et des stéréotypes sociaux. Enfin le passage de l’image 2D à l’image 3D est évoqué ici de manière elliptique par des incrustations de découpes noires en arrière plan. Antoine Office et Antoine Casual nous interrogent à la fois sur le contrôle de l’autre et le champ des possibles offerts par les nouvelles technologies.
En s’appropriant l’image de l’autre et en la transfigurant à travers des propositions artistiques, que ce soit par la série «Bodyscan Object» ou par les deux vidéos Antoine Office et Antoine Casual, Artie Vierkant aborde de manière toute métaphorique la question de la biopolitique, initiée par Michel Foucault, dans le contexte libéral de l’omniprésence d’Internet. Espace de liberté d’expression et de la représentation de soi, il est inversement un espace d’appropriation, de dépossession et de surveillance.