Le titre même de l’exposition, «Fantasy», renvoie à l’ambiguïté entre fantasme et fantastique, et à la contradiction même de la projection du désir adulte, tel qu’il est analysé par la psychanalyse, ou tel qu’il est transformé par l’imaginaire en fable ou récit.
L’exposition questionne notre rapport complexe à l’image de l’enfant, image même de l’«innocence» sur laquelle tout un chacun projette des sentiments liés à la mort ou à la sexualité, qui restent eux-mêmes étrangers à l’univers de l’enfant, pour qui la projection se situe plutôt dans le fantastique que dans le fantasme.
Plusieurs œuvres explorent avec poésie ce thème du fantastique comme vision enfantine : ainsi un film de Maïder Fortuné montre la décomposition progressive de l’image d’un rêve, à savoir une licorne blanche immaculée, se transformant peu à peu en banal cheval grimé. Pour le Japonais Motohiko Odani, dans la vidéo Rompers (Barboteuse, 2003), la nature est le terrain d’une transformation onirique, où les êtres vivants semblent avoir subi des mutations étranges, comme celles que l’enfant peut expérimenter au cours de sa croissance.
La série Les Habillés (2005-2007) de Catherine Larré assume cette même irrationalité : superposant des figures d’enfants surexposés, l’artiste fait pénétrer, par l’éblouissement de la lumière, dans un univers parallèle où l’enfance est le temps de l’éternité. Pour la Hollandaise Ellen Kooi, l’image photographique, toute en horizons, se déploie à la manière d’un cinémascope pour raconter une histoire énigmatique, à la limite entre fable et réalité.
Dans une démarche différente, Inez van Lamsweerde exacerbe le réel au point de le rendre inquiétant, muant des visages de femmes en visages d’enfants, dont l’expression extatique frôle la conscience de la mort (Kirsten, Star, 1997), à l’instar des figures hiératiques de Loretta Lux (Spring, 2001).
L’enfant, perdu dans de grands paysages nus ou en flammes, est également en danger dans les images de Mireille Loup, qui met ici en garde contre la naïveté. Le film de Maria Marshall Don’t Let The T-Rex Get The Children (1999), d’une grande violence psychologique, rend également sensible cette mise en danger de l’enfance : le visage d’un enfant souriant se révèle être celui d’un enfant engoncé dans une camisole de force, isolé dans une chambre capitonnée. Le sourire de l’enfant prend alors un sens différent, tout comme notre regard sur lui.
Plus réaliste est la démarche de l’Argentine Alessandra Sanguinetti, qui décrit avec empathie et sans voyeurisme le passage de l’enfance à l’adolescence dans la série The Adventures of Guille and Belinda And The Enigmatic Meaning of Their Dreams (2002-2006). Empruntant également au réel dans la vidéo Red Shirt (2003), la Finlandaise Santeri Tuori fait du rituel de l’habillage une composition formelle explorant la gestuelle de l’enfant.
C’est cette Vie courante, titre d’une série de photographies d’Yveline Loiseur, qui est étudiée au plus près, et dont la banalité même subit le prisme du fantasme : dans des formats carrés, l’image impeccable d’une tache de peinture ou d’une tête enrubannée sont assimilés à des blessures, mais là réside le fantasme, à défaut d’une réalité recréée.
A suivre le second volet de l’exposition, avec «What Ever Happened to Your Dreams ?», à la galerie Les Filles du Calvaire, du 24 novembre 2007 au 12 janvier 2008.
— Alphen a.d. Rijn, pad, 2003.Tirage Enduraprint, plexiglass, reynobond.
— Vida Mia, Alessandra Sanguinetti, série The Adventures of Gulle and Belinda and the Enigmatic Meaning of their dreams, 2002/2006. Photographie couleur.
— Marongrong, Robin Rhode, 2002. Digital animation.
— sans titre n°5, Yveline Loiseur, série la vie courante, 2006. Tirage lambda contrecollé sur aluminium.
— Untitled (Double Audrey), Kerry Tribe, 2006. C-print sur aluminium. 76 x 203 cm
— Les habillés, Catherine Larré, 05-07. Tirage Ilfochrome.
— Red Shirt, Santeri Tuori, 2003. Video projection, 16 mm film on DVD. 4min28
— Don’t let the T-Rex get the children, Maria Marshall, 1999. Extrait vidéo