Communiqué de presse
Vier 5
Family and friends
Après leurs études à Offenbach puis plusieurs années passées à Francfort, Marco Fiedler et Achim Reichert choisissent de s’installer à Paris pour deux raisons : la désaffection d’une jeune génération d’artistes plus attirée par Londres, Berlin et New-York — Vier5 se caractérise par son excentricité — et l’importance qu’y joue la mode, à laquelle le duo dédie son magazine, Fairy Tale (quatre numéros par an). La posture de Vier5 est inhabituelle : qu’il s’agisse de concevoir un vaste programme d’identité visuelle et de signalétique pour le musée du design de Francfort (Museum für Angewandte Kunst Frankfurt), d’assurer l’en- semble de la communication graphique du centre d’art de Brétigny-sur-Orge (CAC Brétigny), ou de répondre à des commandes ponctuelles, une dimension artistique vient toujours, à des niveaux divers, orienter les propositions et produire des résultats inattendus.
L’héritage moderniste du studio ne fait aucun doute, et se voit même revendiqué : sur son site Internet, Vier5 précise en guise d’in- troduction que son travail est « fondé sur une notion classique du design». Cependant, pour Vier5, après le psychédélisme, Neville Brody, Emigre, David Carson ou M/M, la lisibilité ne constitue plus l’enjeu majeur de la créa- tion de caractères qui doit en revanche s’a- dapter aux exigences présentes. Impensable, estime Vier5, de dessiner des alphabets adap- tés de modèles anciens, ou d’exploiter des caractères qui ne seraient pas contemporains. En revanche les arts de la rue, les inscrip- tions vernaculaires et tout ce qui compose la culture d’aujourd’hui vient nourrir les recherches du studio, dans une optique pro- spective. Fiedler et Reichert militent pour une perception élargie de la typographie et une transformation du regard qui motivent la dynamique expérimentale de leur travail.
La posture particulière de Vier5 suppose un véritable engagement de la part des clients. Ainsi Pierre Bal-Blanc, directeur du CAC Brétigny, considère-t-il, depuis les débuts de leur collaboration en 2002, la production des graphistes comme partie intégrante de l’offre artistique du centre. La liberté laissée à Fiedler et Reichert leur permet de développer un travail sans équivalent.
En vertu d’une sage analyse du passé et d’une lucide vision du futur, la pérennité semble une valeur quelque peu désuète dans le domaine des identités muséales. Depuis une quinzaine d’années, divers graphistes ont ainsi élaboré des systèmes évolutifs, compo- sites ou réappropriables : évoquons la signa- ture déformable à l’infini créée en 1993 par Bruce Mau pour le NAI (Netherlands Architecture Institute) ou les éléments fournis par M/M (Paris) au Palais de Tokyo lors de son ouverture en 2001, laissant à chaque utilisa- teur la liberté de les combiner selon ses besoins, ou encore la « boîte à outils » chère à Ruedi Baur, solution alternative aux chartes autoritaires de l’univers Corporate. Vier5 renverse en quelque sorte la question, prenant la précarité de la communication visuelle pour sujet d’une identité durable et sophistiquée — emblématisée par ce logo acci- denté, complexe et raffiné.
L’économie des moyens n’entre pas dans les préoccupations de Vier5. Les signatures ironi- quement surdimensionnées affirment une posture à rebours de l’image du designer effacé. Vier5 défend sa liberté, le luxe de créer trois posters pour une exposition, la fantai- sie d’imprimer une image invisible, de conce- voir des polices de caractères qui ne res- semblent à rien, le plaisir de se laisser surprendre. Ce qui n’exclut ni l’exigence professionnelle, ni la prise en compte des besoins du public. En ces temps difficiles, il se pourrait que l’utilité passe par la futilité. La prochaine fois j’écrirai dans le cahier jaune, où les lignes dessinent des escaliers.
Adapté du texte de Catherine de Smet
Rencontre avec Achim Reichert et Marco Fiedler le 16 octobre 2007 Ã 19h.