Comme une des figures de ce texte, je me mets à la disposition de son univers ; il ne faut avoir aucun ego ni fierté, mais un entier engagement, physique aussi. Seul ce texte me porte, lui aussi. Il me porte car il me dépasse; il est d’une grandeur incroyable, et d’une poésie intense. L’interprétation du texte est donc une heureuse expérience, car on touche à quelque chose de colossale, et le corps, celui d’un danseur, s’épanouit dans les possibilités qui s’ouvrent à lui.
Cette pièce est un grand chant pour moi. Tout passe par sa musicalité, le souffle est en son cœur. C’est un élan fort. Il y a des traitements de voix, la voix nue aussi et une basse-continue qui est le sol de ce lieu, un lieu défini par une structure de métal, inspirée des œuvres sculpturales de Louise Bourgeois. Cette installation crée son propre territoire, un espace autre que celui de la scène. Des éléments de La Vanité se sont placés durant la création, le crâne au témoignage discret, des feuilles qui ne se fanent pas finalement, moi même, une femme-mouche, la terre.
Je vois une œuvre dansée, humaine, après tout.
Avec mes partenaires de cette création, nous allons mettre en musique un corps qui cherche à être, furieusement.»
par Tal Beit Halachmi
Pierre Guyotat occupe une place capitale dans l’Histoire de la littérature française moderne. La guerre, la pulsion sexuelle, la réalité esclavagiste, l’omniprésence divine, animale et l’efficience de la Nature et de la matière, constituent la trame de cette œuvre tragique et comique à la fois.
Tal Beit Halachmi a choisi de s’emparer de Progénitures dans un solo physique, dense, enragé, qui se déploie autour d’une cage de métal évoquant les œuvres sculpturales de Louise Bourgeois. On y entend le souffle et la respiration, des craquements, des battements de cœur et le chant de la voix nue.
Tal Beit Halachmi s’empare de la langue et de la violence du monde, et propose une plongée dans les profondeurs d’un univers archaïque, organique, toujours poétique et d’une expressivité musicale nouvelle: le corps s’accroche, et cherche à être.
Repères biographiques
Danseuse, chorégraphe et comédienne, Tal Beit Halachmi est d’origine israélienne. Formée en Israël et à Londres (Calif Contemporary Studio, Royal Academy of Dancing, Kibboutz Ensemble, LCDS «The Place», Laban Center, Théâtre chez Yoram Levinstein), elle a notamment travaillé avec Moshe Efrati (Israël), Brigitte Farges et Catherine Diverrès (France).
Depuis 1997, elle danse aux côtés de Bernardo Montet, et l’assiste sur l’ensemble de ses créations. Elle danse dans Issê Timossé (1996), Ma Lov’ (1998), Dissection d’un homme armé (2000), Parcours 2C (vobiscum) (2004), coupédécalé (2005), Apertae (2008).
Au festival d’Avignon en 2001, elle est Bérénice dans la pièce homonyme conçue par Bernardo Montet et Frédéric Fisbach. Elle participe, en 2003, au spectacle Im spiegel wohnen de Heiner Müller au pôle de musique contemporaine à l’Opéra de Stuttgart, mis en scène par Jean Jourdheuil.
En 2006, elle crée pour le Festival Montpellier Danse, Dahlia Bleu, une pièce autour de la mémoire, partagée avec Yehudith Arnon, grande figure de la danse en Israël, la chanteuse Rola MB. Bakheet de Palestine.
En novembre 2007, elle crée un solo autobiographique Dina. En novembre 2008, elle crée Acoustic Pleasure, une performance musicale avec le musicien Pascal Maupeu. En octobre 2009, elle présente avec le comédien Benoît Résillot, Twitille, une pièce théâtrale écrite par Catherine Hubert, au Studio Théâtre de Vitry.
Parallèlement à son parcours de danseuse et chorégraphe, elle développe depuis plusieurs années des projets de création artistique avec des amateurs, ainsi qu’un travail pédagogique auprès des écoles.
En 2002, Tal Beit Halachmi présente Plages urbaines, pièce créée au Festival «Les Antipodes» à Brest, avec vingt-deux élèves et un danseur professionnel. Elle y revisite le ghetto, ghetto juif pendant la guerre, mais aussi ghetto d’ailleurs et d’aujourd’hui.
En 2005, elle crée De même que les éléphants, une pièce conçue avec cinq amateurs, un danseur et un enfant. Cette pièce est portée par un regard sur l’intime et le groupe.
En 2010, elle convie des enfants à participer à un projet expérimental autour de la danse, du chant, du texte et de la performance en compagnie d’un écrivain, Marc Blanchet, et d’un musicien, Pascal Maupeu. C’est autour du mythe d’Electre qu’est ainsi né Elektra, un opéra rock.