Communiqué de presse
Julie Legrand
Faire et défaire
Des accumulations sont en jeu, toutes ont leur singularité. Ce qui s’impose, c’est la qualité organique que peuvent acquérir les matériaux bruts qu’utilisent Julie Legrand (silicone, fil à coudre, branche d’arbre, câble électrique…). C’est-à -dire de fonctionner comme un tout agencé, comme un corps qui tient et se meurt. Les éléments se compressent et se fragmentent, se ramifient et entrent en résonance avec d’autres éléments : les murs, l’espace de la galerie, le corps du spectateur.
Non visible mais vivant, le corps hante tous les espaces. Grâce aux coulures de silicone, le mur détient le secret de la métamorphose. Le matériau pauvre mute en sécrétions et organes en décomposition sans que la beauté plastique de l’œuvre ne le laisse supposer au premier regard.
Dans Autoportrait, l’artiste détourne la technique traditionnelle de la gravure en cherchant à produire et à conserver des copeaux appelés des «barbes», et qui servent étrangement ici à redéfinir la pilosité d’un sexe féminin. Ce corps abstrait qui se mêle aux coulées de verre et de silicone travaillées à même le mur, semble donner à la vie sa fluidité. La répétition du geste à la création de ce tableau-sculpture évoque la ténacité de la vie à prendre matière, à prendre corps comme dans la plupart les travaux de Julie Legrand.
Avec Rose, vécue comme un gisant contemporain, hommage à un ancêtre disparu, ce n’est pas le matériau qui crée la masse mais son agencement. L’amas de fils à coudre coloré est à la fois posé, relié et suspendu au-dessus du sol. Si sa légèreté et sa fragilité évoquent l’idée de décomposition et de disparition, l’accumulation organisée et assemblée fige cette décomposition et donne l’illusion d’une éternité. Le miroir de l’installation dérègle le sol tel un trucage, jusqu’à perdre toute notion de pesanteur. Le corps même du spectateur est mis en abîme.
Le trait du dessin dans les photographies, présentées à la galerie, se fait lui aussi coulures, pleurs, larmes et fontaines, donnant ainsi vie aux immeubles de New York même si on les dirait creux, évidés, comme s’ils laissaient échapper leur substance.
Solipsisme, branche d’arbre entravée, semble enchaîné à la matière vide du mur tel un dessin gravé dans l’espace. Chaque bout de branche d’épineux se poursuit d’un câble électrique noir qui revient sur lui-même pour se figer dans un autre, créant la sensation d’un circuit fermé, d’un monde clos et du repli sur soi.