Pourquoi intituler votre exposition «Du pur Hyber» ?
Fabrice Hyber. D’abord parce que c’est moi, ensuite parce que cela faisait pas mal de temps que je n’avais rien fait sur Paris. Je voulais montrer ici les projets que je montais ailleurs. Je voulais rendre compte de cette activité et la présenter au maximum de personnes. Donc c’est «Du pur Hyber».
On vous connaît surtout pour vos projets, vos installations. C’est un choix volontaire de montrer majoritairement des tableaux ?
Fabrice Hyber. Mes tableaux sont importants car ce sont des croquis et le projet lui-même. Ils portent en eux ces deux aspects. Chaque toile est le projet d’un événement, d’un POF (Prototype d’Objets en Fonctionnement). Ce sont des notes qui découlent de différentes histoires.
L’aspect narratif est très important chez vous.
Fabrice Hyber. J’adore les arbres et chacun d’entre eux est porteur d’une histoire. La sauge ne déroge pas à la règle. C’est pour cette raison qu’on la retrouve beaucoup dans l’expo, que ce soit en installations ou en tableaux. Cette plante a des qualités médicinales que j’exploite picturalement. Comme elle a des bienfaits gastriques, je m’en sers comme point de départ.
Je commence par dessiner un cercle au centre de la toile. Son emplacement et sa forme rappellent un ventre. Cet estomac métaphorique est le terreau de mon imagination. Des idées me sortent de la tête. Je les greffe les unes après les autres sur l’œuvre en gestation.
Voilà comment je travaille et comment évolue le travail. Quand je dessine, j’invente des histoires. Le processus accouche à la fin d’un POF, comme celui qui se trouve à vos pieds. En appuyant sur le bouton du parquet, vous déclenchez l’interrupteur électrique qui fera tourner le pot de sauge.
Vous arrive-t-il de partir d’un POF et d’en décliner des peintures ?
Fabrice Hyber. Oui parfois, pour le plaisir de peindre.
J’avais l’impression que vos tableaux étaient le fruit d’une demande répondant au besoin du marché et des collectionneurs.
Fabrice Hyber. Je ne pense jamais en ces termes. Par contre, il est très important de communiquer sur ma façon de penser et d’être, de faire part de mes inquiétudes. Surtout en ce moment! Toutes ces inquiétudes me procurent de l’énergie — ou pas — pour créer tous ces dessins. Il est primordial d’exprimer ce passage.
Quelles sont les pistes de travail qui émergent de votre travail actuellement ?
Fabrice Hyber. Il y a tellement de choses différentes ici !
[En regardant autour de lui, il regarde le pot de sauge dont il vient de parler, et se tourne vers son assistante]. Il faudrait l’arroser. Il faudrait vraiment l’arroser. C’est sec.
[Me montrant son œil d’un air satisfait, il reprend]. Pour vous raconter une petite histoire, je sors de deux mois d’hôpital. J’ai chopé une super grosse bactérie en Chine. Maintenant ça va mieux, je suis guéri et tout va bien. J’ai rencontré beaucoup de médecins et de fabricants de médicaments. Ils m’ont appris que les traitements chimiques et naturels différaient. Les premiers s’attaquent à un problème particulier tandis que les seconds s’occupent de tout le corps, ils agissent sur l’ensemble de l’être.
J’ai retravaillé avec des grands phytothérapeutes, ceux-là même qui ont inventé la phytothérapie contemporaine. J’ai imaginé avec eux un corps curatif. Le résultat se trouve derrière vous. Cette peinture homéopathique est la suite de l’exposition Laboratoire. J’avais demandé à des chercheurs du M.I.T. de m’indiquer les produits naturels qu’il fallait ingurgiter pour qu’un homme soit en bonne santé. J’avais ensuite élaboré un mannequin constitué de tous ces éléments. Cette peinture homéopathique prolonge cette idée. Vous pouvez distinguer sur le mannequin en fil de fer un corps composé de différentes plantes et graines.
Cette peinture homéopathique semble résumer l’ensemble de l’expo ?
Fabrice Hyber. C’est exactement ça. Toute l’exposition est condensée dedans. Il y a les personnages curatifs, les pots de plantes qui peuvent signifier l’impossibilité à vivre, les vers de terre qui meurent, les robots qui aboutissent à la guerre, les plantes qui grandissent ou meurent, celles qui sont calcinées. Ici sont présentées et résumées toutes les inquiétudes du quotidien.
La plus grande de vos inquiétudes, c’est la guerre ?
Fabrice Hyber. Dans certains des tableaux les arbres sont coupés. Dans un autre les sauges ressemblent à un buisson ardent. Elles n’ont plus de racines. War est un tableau très important, je vais vous le montrer, il est là -bas. [En chemin, il serre la main de Jérôme de Noirmont]. Je vais lui expliquer la guerre. Comment peut-on expliquer la guerre? Nous avons beaucoup de guerre en ce moment. Nous avons beaucoup d’informations. La complexité du tableau se nourrit de celle qui provoque les champs de batailles. Il y a toute l’histoire de la guerre. Ici les plantes reprennent le dessus sur le théâtre des opérations.
Tous vos tableaux sont vernis à la cire, sauf celui-ci, pourquoi ?
Fabrice Hyber. Tous sont vernis, sauf celui-ci et un autre pour une raison très simple, c’est que la résine ne tient pas sur ce type de châssis. Cela gondole, et je n’ai pas pris le temps de me pencher sur le problème pour le résoudre. Ce n’est pas très grave. Je voulais vernir le maximum de tableaux pour qu’ils éclatent le mieux aux yeux du spectateur.
Y-a-t-il un avant et un après Lion d’or ?
Fabrice Hyber. Je cherche toujours de nouvelles méthodes pour montrer mon travail. La régie de télévision que j’ai montée à la Biennale de Venise me permettait de présenter autrement mon travail. C’était une forme de communication particulière et nouvelle.
Quels sont vos projets ?
Fabrice Hyber. En Chine j’ai 47 bonhommes verts de ma taille — j’ai 47 ans, même si ça ne se voit pas — qui ouvrent le nouveau parc de Shanghai. Il y a de l’eau qui sort de leur bouche. L’inauguration est prévue le 1e octobre 2008. Après j’ai des projets tous les mois, surtout en Chine et au Japon.
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