L’artiste Skall affirme, avec une légèreté mesurée, vivre avec des esprits depuis qu’il est enfant. C’est ce qui l’a poussé à considérer qu’il y a deux types de vécus : celui de l’extérieur et celui de l’intérieur. Mais à travers ses œuvres Skall questionne un troisième type de vécu qui est celui de l’immatériel, de l’invisible, de la pensée et du tabou. L’art est pour lui une pratique animiste et alchimique, peut-être même une pratique de chamane, à la fois libre et sibylline…
Dans son travail de sculpture, que l’on peut apprécier dans l’exposition «Extase et vomissure», Skall apporte une «charge» à l’oeuvre en cours de réalisation, charge soit purement mentale, soit par l’introduction d’une «relique», d’un petit rien visible ou caché. Chacune de ses œuvres questionne le monde extérieur, suggérant qu’il n’est pas comme il nous l’est enseigné ou comme on nous le laisse entendre…
Skall assemble plus qu’il ne sculpte, usant des objets comme autant d’éléments capables de réinventer leur sens et leur forme pour se combiner à l’infini. Parfois la composition est simple: un grand pan de verre coloré au bout duquel est fixée une vasque en poterie. Mais à côté de ces pièces aux formes épurées, ce sont les complexes compositions aux accents kitsch et outranciers comme A Light Beyond Darkness, qui attirent l’œil. Leur réalisation peut demander deux à trois ans de travail à l’artiste. Là , c’est l’accumulation qui fascine. Non pas par le sentiment de chaos qu’elle suscite mais, au contraire, par son ordre structuré qui apporte rythme et densité à la forme.
En détournant ces objets de leur fonction initiale, l’artiste transmute leur sens. Il convoque les objets sacrés d’Asie, d’Inde ou d’Afrique, prenant un malin plaisir à jouer avec nos codes, ceux du sacré et du profane. La contemplation de ces assemblages allie dans un même mouvement dévotion et dérision. Certaines pièces évoquent totems ou objets de culte mais les matériaux utilisés — brillants, lisses et aux couleurs pimpantes — loin de marquer le respect et le recueillement, font souvent sourire. Cette fantaisie presque ironique, questionne la valeur sacrée des œuvres d’art dans notre monde contemporain, avec en toile de fond l’idée de vanité des biens terrestres.