L’exposition de John Miller intitulée « Everything is You », interroge le regard que l’on porte sur la Terre. En divisant la galerie Praz-Delavallade en trois espaces, il crée trois univers dans lesquels les œuvres sont assemblées en binômes. Cette dualité autorise des propositions de formes variées.
La planète peut ainsi être cette base rectangulaire contenant de la végétation, couverte sur deux versants de maquettes de maisons et sur deux autres de miroirs (Split Level). Elle peut être cette sphère de fruits colorés (Utopian Ornament), cet ensemble de trois boules végétales (Dark Shadows), ces deux planètes flottantes (A Place in the Sun), ce corps étendu (All That You Can Be).
Mais cette dualité renouvelle aussi les points de vue : une fois, c’est au spectateur d’en juger (Split Level); une autre, à un rêveur (Body Stack); une autre, à un Adam et une Eve entièrement dénudés (A Place in the Sun).
Matérialisant la diversité des perspectives possibles, John Miller interroge la perception et le corps. C’est en effet lui qui autorise, en fonction de ses fantasmes, la projection des différentes terres. Les photographies à échelle presqu’humaine d’un homme et d’une femme mis à nu dont la tête s’efface à distance par un effet d’optique dû à la présence de sphères suspendues à leur hauteur (A Place in the Sun); le surgissement de fruits fortement colorés à l’endroit des parties sexuelles (All That You Can Be); l’allusion au rêve à peine dissimulée avec la succession de dix-sept séquences vidéo d’un homme couché à proximité d’une œuvre qui s’apparente à un mobile (Body Stack) : tous ces éléments suggèrent l’existence de ce désir latent et déterminant.
La Terre prend corps à mesure de son intensité et l’on sent qu’à la dichotomie initiale du corps et de l’être succède une liaison intime (A Place in the Sun) pouvant aller jusqu’à la fusion (All That You Can Be). Dès lors cette coïncidence fait se rejoindre dans une même installation une matière d’ordre naturel — mousse, sapin, roche, eau — avec une d’ordre artificiel — ces fruits et légumes dont la qualité de la couleur évoque une transformation. Dans Split Level les maquettes des maisons entourent simplement un contenu végétal qui ne semble pas loin de surgir.
John Miller met ainsi à nu une certaine création de l’univers (cette cartographie imaginaire) qui, par la présence du désir, trouve une unité. La galerie devient alors elle-même cet espace homogène qui participe à la communication des différents univers.
John Miller :
— A Place in the Sun, 2003. 2 photos montées sur bois, 175,25 x 62,20 et 162,55 x 61 x 12,70 cm; 2 globes, polystyrène, peinture acrylique, plâtre, maisons de modélisme ferroviaire, Ø 81 cm chaque.
— All That You Can Be, 2003. Grillage, peinture acrylique, plâtre, fruits en plastique, scènes de modélisme ferroviaire. 30,50 x 182,90 x 101,60 cm.
— Split Level, 2003. Plastique, maisons de modélisme ferroviaire, miroirs, scènes de modélisme ferroviaire, 127 x 61 x 127 cm.
— Utopian Ornement, 2003. Sphère en polystyrène avec des fruits en plastique. Ø 61 cm.
— Dark Shadows, 2003. 3 sphères en polystyrène avec des maisons et des scènes de modélisme ferroviaire ou des fleurs artificielles. Ø 61 cm.
— Body Stack, 2003. Impression montée sur aluminium, diasec. 105,65 x 31,75 cm.