La réconciliation des deux sexes, Eva&Adèle l’ont résolue. Eva&Adèle n’est pas un couple formé d’un homme et d’une femme, mais de deux êtres hermaphrodites. Ensemble, elles ne font qu’une, pareillement habillées et maquillées. Et leur unité se retrouve entre leur travail artistique et leur vie : pour elles, tout ce qu’elles font et sont est art.
Leur double portrait, qui les a fait connaître, est devenu leur signature et leur logo. Leurs deux crânes rasés forment un cœur. Le double se fait un, l’union est synonyme d’amour. Mais Eva&Adèle vont plus loin. Leurs toiles parlent de domination et de soumission, à partir de l’iconographie sadomasochiste elles abordent des thèmes comme la vanité, l’agression, la solitude, la dépendance.
Associant d’anciens dessins à des peintures inspirées de bandes dessinées SM ou de dessins de Cocteau, puis à leur autoportrait-logo, les toiles apparaissent comme un palimpseste de leur présent sur leur passé. Pour des artistes venues du futur, ce rapprochement des périodes s’impose.
Cet enchevêtrement de motifs, techniques, lignes et couleurs demande à ce que l’on distingue les formes, par une sorte de «super perception».
La prolifération de couleurs rappelle l’excentricité acidulée des deux artistes. Les couleurs ajoutées aux dessins répondent à celles du logo, elles-mêmes assorties à celles du dessin érotique.
Parfois, une proximité chromatique suggère une correspondance sémantique. Dans Jean et Louise, le jeune éphèbe inspiré d’un dessin de Cocteau est du même rouge que les visages du couple. Le caractère androgyne de l’un renvoie au double genre de l’autre. De même, les dessins de fond se rapprochent étonnamment de l’imagerie communément attribuée à Cocteau: profils à la grecque, traits fluides et continus, sexes masculins désérotisés… l’œuvre est un hommage.
La série présentée chez Jérôme de Noirmont s’intitule «Transformer-Perfomer». L’art d’Eva&Adèle est double : changer et donner forme simultanément – ou successivement.
Cette figure du double, sous-jacente à l’ensemble des œuvres, est particulièrement lisible dans Lasso. Cette toile simple (pas de collage de dessins du passé sur celle-ci) est composée de deux moitiés identiques et symétriques. Deux fois, sont représentés un cowboy à cheval jouant du lasso et le mot «Lasso» en lettres capitales. Le lasso, c’est à la fois le lien, la dépendance et le contrôle de l’autre. Les quatre lassos de cette toile renvoient à l’imagerie de la domination et du jeu sexuel SM.
Le double cowboy solitaire renvoie finalement aux images des autres tableaux : soumises bâillonnées (Forêt Noire), maîtresse de maison fétichiste (Rote Liebe) ou couple soumise-dominatrice (Revanche de la femme).
Acte de réconciliation idéal, l’acte sexuel est recherche de fusion, mais non sans perversions (orgueil, possessivité, volonté de pouvoir). Dans le jeu SM, Eva&Adèle soulignent le danger. Les rapports de domination doivent être très cadrés pour apporter une liberté paradoxale aux pratiquants.
Ultime message des toiles que les artistes ont en-cadrées elles-mêmes ?…
Traducciòn española : Maïté Diaz
English translation : Nicola Taylor
Eva & Adele
— Sel de mer, série «Transformer – Performer», 2005. Huile et technique mixte sur toile. 110 x 140 cm.
— Revanche de la femme, série «Transformer – Performer», 2005. Huile et technique mixte sur toile. 110 x 140 cm.
— Rote Liebe, série «Transformer – Performer», 2005. Huile et technique mixte sur toile. 200 x 300 cm.
— Schwanzmädchen, série «Transformer – Performer», 2005. Huile et technique mixte sur toile. 150 x 200 cm.
— Niel, série «Transformer – Performer», 2005. Huile et technique mixte sur toile. 110 x 140 cm.