Christian Bonnefoi

Eurêka a de la suite dans les idées
Même si l’Å“uvre de Christian Bonnefoi peut nous faire penser aussi bien à Matisse ou Picasso pour leur liberté d’expression, qu’à De Kooning ou Newman pour leur pratique de l’écriture et de la construction, elle s’est toujours située en dehors des modes et des classifications. Elle s’est construite très tôt sur l’idée que le tableau, la peinture, ne se limitait pas à une surface délimitée par des bords, qu’il s’agissait de remplir par une composition répondant à des intentions ou à des gestes plus ou moins conscients, mais un lieu que le peintre peut construire par sa pratique, en jouant sur tous les éléments qui peuvent constituer la peinture et son apparition, son dévoilement.
Toutes les séries de tableaux ont un aspect graphique marqué. Leur base est constituée de «crayonnages» au fusain sur une feuille de plastique badigeonnée de peinture blanche, puis recouverte d’une pièce de tarlatane transparente sur laquelle l’artiste trace de larges gestes ou plages colorées; la toile est ensuite arrachée plusieurs fois, comme on décolle une fresque: les surfaces encollées sont en quelque sorte prélevées, et impriment le revers de la tarlatane. Avant d’être définitivement tendu sur châssis, le travail passe par une série de processus lents et complexes, incluant les gestes, la matière, le temps de séchage, la répétition éventuelle de certaines opérations, la tension de la toile…, qui contribuent à l’apparition d’œuvres toujours nouvelles et en mouvement.
«Dans toutes mes séries, il y a des fonctions qui sont reprises (textures, couleurs, lignes, gestes…) dont la structuration variable permet l’apparition et la libération de la forme; parfois la forme peut s’ouvrir, parfois elle peut se fermer; certaines possibilités émergent dans un tableau et vont se développer dans un autre…» Si Christian Bonnefoi insiste sur l’importance du travail, de ses procédures, si ses pièces peuvent s’articuler en séries, son Å“uvre ne doit pas cependant se lire comme une suite de systèmes qui se développeraient l’un à la suite de l’autre. «Disons que mon travail se développe plus sous la forme d’une constellation que sous une forme linéaire. C’est un travail qui n’est jamais achevé, mais toujours ouvert.»