Communiqué de presse
Hiroshi SugimotoÂ
Étant donné: Le Grand Verre
Ma nouvelle série de photographies, Conceptual Forms, se divise en deux parties, Mathematical Forms et Mechanical Forms. Mathematical Forms se subdivise elle-même en deux sous-ensembles : Surfaces et Curves.
Les Mathematical Forms sont des photographies de volumes stéréométriques en plâtre qui permettent de visualiser en trois dimensions des fonctions trigonométriques complexes. Ces objets mathématiques ont été réalisés en Allemagne entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle.
Les Mechanical Forms sont des photographies d’objets mécaniques qui servaient à illustrer les différents mouvements des machines modernes. Ces objets ont été fabriqués en Grande-Bretagne à la fin du XIXe siècle.
Ces modèles et machines ont été créés sans aucune intention artistique. C’est précisément ce qui m’a poussé à réaliser cette série de photographies et à l’intituler Conceptual Forms. L’art peut naître sans qu’il y ait d’intention artistique a priori ; peut-être n’en est-il alors que meilleur.
Hiroshi Sugimoto
Le photographe japonais Hiroshi Sugimoto a choisi la Fondation Cartier pour l’art contemporain et son architecture de verre pour exposer pour la première fois sa toute nouvelle série de photographies, Étant donné: Le Grand Verre rassemble 19 clichés de grand format en noir et blanc dans une mise en scène conçue par l’artiste pour le rez-de-chaussée de la Fondation Cartier. La série complète, comprenant 44 photographies est organisée en trois groupes: Mathematical Forms: Surfaces, Mathematical Forms: Curves et Mechanical Forms.
Sugimoto a photographié au Musée de l’Université de Tokyo une collection d’objets scientifiques remontant au XIXe siècle. Mathematical Forms : Surfaces présente une série de modèles stéréométriques en plâtre conçus pour permettre aux étudiants de visualiser des fonctions trigonométriques complexes; Mechanical Forms est une suite de pièces mécaniques permettant d’analyser les mouvements de base d’engins mécaniques.
Disposées en deux sections distinctes, les photographies proposent une reconstruction spatiale de l’œuvre la plus célèbre de Marcel Duchamp, Le Grand Verre, et renvoient à l’architecture en verre du bâtiment de Jean Nouvel.
De la même manière que Duchamp dans Le Grand Verre, Sugimoto évoque le féminin et le masculin en empruntant diverses formes aux domaines de la science et de l’ingénierie. La souplesse et la fluidité des lignes des modèles mathématiques, ainsi que la rigidité, la netteté des traits des modèles mécaniques, rappellent respectivement les deux panneaux La Mariée et Ses Célibataires du Grand Verre de Duchamp.
Avec une sensibilité aiguë pour les formes et une précision minutieuse dans le cadrage, Sugimoto métamorphose ces outils scientifiques en silhouettes étranges et mystérieuses. Saisissant chaque modèle sous un angle rigoureusement identique (en gros plan, vu aux 3/4 par en-dessous), Sugimoto perturbe notre sens des échelles. Si les modèles originaux ne mesurent que 10 à 30 cm, leurs versions photographiques semblent monumentales, le grand format des tirages (env. 150 x 120 cm) accentuant encore cet effet. Sugimoto détache les modèles de leur environnement, dévoile certains volumes à l’aide d’éclairages sophistiqués, en dissimule d’autres dans l’ombre. Figées, immobiles, ces figures silencieuses émergent de l’obscurité en esquissant de subtils dégradés de gris. Libre au spectateur de leur découvrir des analogies avec d’autres objets ou formes, qu’ils soient sculpturaux, anthropomorphiques ou architecturaux.
Hiroshi Sugimoto présente enfin la clé de cette exposition : la photographie d’une réplique du Grand Verre découverte au musée d’art de l’Université de Tokyo, une des quatre répliques au monde. Le négatif et la planche contact, répliques d’une réplique, sont enfermés entre deux épaisses plaques de verre. Conçue elle-même sur le modèle du Grand Verre, l’exposition de Sugimoto reproduit à un troisième niveau, par son agencement, le travail de Duchamp, et se livre à une mise en abyme : on peut y voir la réplique d’une réplique de réplique.
L’exposition Étant donné: Le Grand Verre explore les relations entre la photographie, la science et l’histoire de l’art, suscitant différents degrés d’interprétation, différents systèmes de références. C’est aussi un hommage de Sugimoto à Marcel Duchamp, qui s’est interrogé tout au long de son œuvre sur le rôle de l’art à l’âge des reproductions mécaniques. Peut-être s’agit-il, à travers l’art comme à travers la photographie, de dépeindre des mondes invisibles, sollicitant ainsi l’imagination et l’intellect, et non pas seulement le regard.
Né à Tokyo en 1948, Sugimoto a quitté le Japon en 1970 pour étudier l’art à Los Angeles, à une époque où le minimalisme et le conceptualisme constituaient des courants prédominants dans le monde artistique. C’est dans ce contexte qu’il a développé une technique photographique originale, marquée par une approche sérielle et rigoureuse, une analyse pénétrante de la réalité empirique, des références métaphysiques. Hiroshi Sugimoto développe ses œuvres sous forme de suites, construisant, au terme d’un long travail de recherche, une œuvre homogène autour d’un thème central.
critique
Une exposition de films