Ana Mazzei
Et nous, nous marchons inconnu
Les mois de janvier sont ceux des nouveaux départs et du haut de ces deux saisons passées en résidence à Paris, retournant à São Paulo, Ana Mazzei, tirera de nouveau un fil entre le vieux continent et le nouveau Monde. Si l’on tient compte du calendrier solaire, Ana Mazzei aurait touché la limite d’une sédentarisation parisienne, mais les mois passés ici réfèrent plutôt au calendrier lunaire qui caractérise les sociétés nomades. En toute logique donc, Ana Mazzei s’en va.
De ces nouvelles nourritures terrestres digérées, elle nous confie quelques éléments ici restitués pour sa première exposition à la galerie Emmanuel Hervé.
Malgré l’héritage anthropophage qui tisse les liens précédents entre nos continents, Ana Mazzei nous montre que nos histoires cherchent de nouveaux horizons d’attente en nous rappelant à un conte devenu historique, celui d’un homme, un français, qui, d’un autre temps, ne revint jamais de son voyage au Brésil.
“Ces barbares marchent tous nus, et nous, nous marchons inconnus”, à partir de cet extrait tiré de l’ouvrage de Jean Thévet (André Thevet, Les singularités de la France Antarctique, autrement nommée Amérique, A Paris, chez les héritiers de Maurice de la Porte, au Clos Bruneau, 1558), Ana Mazzei donne le ton à cette exposition. Capturé par des indiens, Jean, fut condamné à mort 8 mois après avoir été fait prisonnier. Et pendant cette période, il fut initié à la culture indigène par une femme Tupinamba.
Ce mythe fondateur pour la nation brésilienne est rapporté par le soldat et aventurier allemand Hans Staden ainsi que dans les récits de voyages d’Andre Thévet et Jean de Lery. Il est ensuite reprit en 1971 par le cinéaste brésilien Nelson Pereira dos Santos dans un film intitulé “Qu’il était bon mon petit français”.
C’est à ce point de jonction qu’Ana Mazzei crée une articulation entre la référence mythologique et le répertoire formel qu’elle propose.
Voilà des paysages à travers lesquels chacun est invité à se projeter et qui offrent un espace possible à des perspectives communes. Bien qu’ayant une marque culturelle néo-concrète, les assemblages se jouent d’une symbolique universelle qui de l’hémisphère sud à l’hémisphère nord s’accrochent ici sur un territoire d’entente, au point que ce sont la forme des matériaux eux-mêmes qui viendraient déterminer leurs objets.