ÉDITOS

Et la beauté !…

PAndré Rouillé

Dans un récent entretien, le sculpteur Stephan Balkenhol parle de la beauté. De façon simple et forte. Pour en déplorer le déclin et envisager les voies de son renouveau. Selon lui, la beauté est, dans le monde d’aujourd’hui, victime d’une série convergente de facteurs: la profusion et la superficialité généralisées des images trop soumises à la logique marchande; la perte de la faculté des gens à voir, à apprécier; ou encore, l’hégémonie des modèles discursifs et visuels issus d’Hollywood et de la publicité.

Dans un récent entretien, le sculpteur Stephan Balkenhol parle de la beauté. De façon simple et forte. Pour en déplorer le déclin et envisager les voies de son renouveau. Selon lui, la beauté est, dans le monde d’aujourd’hui, victime d’une série convergente de facteurs: la profusion et la superficialité généralisées des images trop soumises à la logique marchande; la perte de la faculté des gens à voir, à apprécier; ou encore, l’hégémonie des modèles discursifs et visuels issus d’Hollywood et de la publicité.

Dans cette situation où il devient nécessaire de «réapprendre à regarder», de restaurer «notre capacité de voir les choses telles qu’elles sont», l’artiste hérite de cette mission immense de «réinventer l’image» afin de la rendre capable de toucher les spectateurs, de les inspirer, de faire écho à leur vie.

Pour cela, le travail artistique doit viser à l’«essentiel» en éliminant le superflu, le bavardage, le mensonge et atteindre ainsi à une «vérité» au-delà des apparences (puisque «des choses affreuses peuvent être belles»).

Chaleureux credo en faveur d’une beauté transcendante : une beauté idéale située dans un monde enchanté où, miraculeusement, le pouvoir de la marchandise serait aboli, où les choses apparaîtraient «telles qu’elles sont», où régnerait l’universelle «vérité».
Paradis de la beauté et de la vérité ; monde rêvé de l’accord parfait entre les images, les choses et les gens ; royaume de la félicité où, grâce à l’art, l’ essence profonde des choses serait accessible aux regards éduqués.

Or, ce paradis enchanté de la beauté transcendante n’existe pas. Aujourd’hui moins que jamais où l’on assiste à une sécularisation accélérée des images et de la beauté, comme de la vie. La beauté se déploie désormais résolument dans l’immanence, elle est passée du ciel sur la terre sans d’ailleurs perdre de son énergie et de sa capacité à stimuler les sensations — une galaxie de sensations.

Faut-il se plaindre de cette immanence de la beauté de nombres d’œuvres contemporaines ? Certains, pour qui la beauté avait toujours quelque chose de solennel, de sacré, voire de moral et de vénérable, le déplorent. D’autres considèrent au contraire que la beauté n’est jamais aussi forte que lorsqu’elle est en prise avec le monde et ses devenirs.

L’œuvre d’Alain Declercq (ci-contre) se situe à l’intersection de l’art et de l’action sociale et politique. D’une part, elle a été réalisée très récemment à Fairford, en Angleterre, sur la base d’où décollaient les avions B52 pour bombarder l’Irak. D’autre part, elle est un remake explicite de la photographie de Boeing 747 par Chris Burden.
Il s’agit moins d’un art politique, qui serait d’abord de l’art, que d’actions politiques qui mobilisent certains des moyens de l’art et qui le débordent.

L’art contemporain, celui qui innove, est porteur d’un message philosophique à la fois simple et fort : la beauté — comme la vérité — est toujours relative, en perpétuel devenir. Prosaï;quement, elle n’est jamais indépendante des rapports de pouvoir. Le régime dominant de la beauté est celui du plus fort…

André Rouillé

_____________________________
Photo
Alain Declercq, B 52, 2003. Photo. Courtesy Galerie Loevenbruck.
Entretien
«Les figures silencieuses de Stephan Balkenhol», interview par Richard Leydier, Art press, n° 289, avril 2003.

AUTRES EVENEMENTS ÉDITOS