Toba Yang, Samuel Gelas, Carlotta Bailly-Borg
Et Après?
A l’Ecole Nationale Supérieure d’Art de Paris-Cergy, la pratique de la peinture n’est pas nouvelle. La création du studio de peinture, il y a une dizaine d’années, a permis de fédérer des approches individuelles, parfois isolées. C’est une plate-forme ouverte, qui permet d’encourager une pluralité de propositions.
La peinture est un domaine non exclusif, perméable, dont on interroge sans cesse la définition. Toutes les démarches sont possibles entre le savoir faire et son abandon, pour interroger la fabrication des œuvres: lenteurs, tactilités, ressources informatiques, mise en œuvre sculpturale, pièces in-situ…
Pour la première fois, dix jeunes artistes ayant fréquenté le studio de peinture de l’ENSAPC entre 2010 et 2014 sont invités à présenter leur travail dans plusieurs galeries parisiennes, à la Galerie Nathalie Obadia, à la galerie Placido et l’ENSAPC Ygrec.
Ces trois premières expositions ouvrent un cycle et font enfin apparaître au grand jour la diversité des recherches picturales qui émergent chaque année à l’Ecole Nationale Supérieure d’Art de Paris-Cergy.
A la Galerie Nathalie Obadia, on pourra découvrir le travail de 3 artistes:
— Carlotta Bailly-Borg (née en 1984, elle vit et travaille à Bruxelles, Belgique)
Chaque tableau est conçu comme un lieu d’expérimentation où des éléments empruntés à la mythologie, à la culture pop, au classicisme, se côtoient, se superposent, se contaminent, comme en suspend sur la toile. Plus récemment, outre l’utilisation de ces sources existantes, Carlotta Bailly-Borg construit des petites maquettes architecturales, point de départ de certains de ses tableaux.
Si le rendu pictural est précis, léché, scientifique, il est toutefois hétérogène, composé d’aplats mécaniques, de touches impressionnistes, de techniques apparentées au trompe-l’oeil. Par une technique de montage qui procède de la coupe plutôt qu’au fondu , l’architecture unifiée du tableau opère à un glissement au profit d’un espace pictural fragmentaire et fictionnel.
Dans la peinture de Carlotta Bailly-Borg l’association d’idées devient association d’images par un jeu de langage engendrant un espace synoptique qui déconstruit la narration tout en affirmant sa force poétique.
— Samuel Gelas (né en 1986, il vit et travaille à Paris, France)
Il y a un mélange des genres dans les peintures de Samuel Gelas qui renvoie directement au concept du «Tout-monde» d’Edouard Glissant: des images de sources variées et codifiées sont peintes sous la forme d’un «Melting-pot» qui les détourne de leur contexte pour les inclure dans une autre réalité.
Les tableaux présentés à la Galerie Nathalie Obadia, s’inscrivent dans un corpus travaillant avec force la question de la violence urbaine, sociale et culturelle. Par leur impact coloré, et les associations poétiques empruntant tant à la diversité des images du monde qu’ à la vie urbaine locale de l’artiste en Guadeloupe, ces peintures rendent cette violence réversible et la transforme en une expression picturale jubilatoire et vivante.
— Toba Yang (née en 1984, elle vit et travaille à Paris, France)
On trouve dans les peintures de Toba Yang une simplicité qui nous touche comme les morceaux choisis d’une lettre qui nous aurait été adressée. La peinture de Toba Yang s’écrit et se reçoit. Des bribes de récits oubliés, ou perdus. Rien de spectaculaire, ni d’extraverti. Tout nous est familier et dans le même temps l’histoire se dérobe.
Les tableaux de Toba Yang ne sont pas grands, ils laissent pourtant, de la place à ce qui est loin. De même la légèreté de la touche, associée à la fluidité de la matière picturale met en lumière des sentiments paradoxaux faisant osciller joie et tristesse, légèreté et pesanteur, humour et gravité.
A l’occasion de l’exposition Et Après ? à la Galerie Nathalie Obadia, Toba Yang fera tous les deux jours une nouvelle proposition d’accrochage de ses peintures: une manière de «penser le déplacement» afin que rien ne s’arrête…
Carole Benzaken, Carole Boulbès, Christophe Cuzin, Eric Dalbis, enseignants à l’ENSAPC