Communiqué de presse
Esteban Royo
À regarder de près, et même de loin, l’œuvre ne manque pas d’élan. Ni de ressort. Des sculptures filiformes, rachitiques, dressées, qui semblent partir en goguette. Des éclats à la verticale, modelés, composés, creusés encore, polis, patinés, rouillés. Un ballet de bois qui se croisent, s’affrontent, s’entrechoquent joyeusement. Empoi- gnade de formes en route pour un diable Vauvert. Malaxées au gré d’une imagination à la marge, chahuteuse. Voire provocante.
Telles ces silhouettes sensuelles encastrées, qui viennent, se tordent dans la nature, s’évanouissent dans les teintes. Retrouvent leur place. S’adossent, s’enlacent presque. Du convexe filtrant avec le concave. Sentar cabeza, façon repose siège propose son galbe comme une invitation ; deux êtres giacomettiens qui s’effleurent ; un bois fendu pénétré, une vis qui lance un coup d’œil voyeur… De l’encastrement à la représentation sexuelle, il n’y a pas lerche. Ce bastringue éroti- que n’est qu’un volet (de bois), un pan (de mur) d’une Å“uvre pleine, insolente. Car voilà de l’univers et de l’universel en barre, bois, acier, plastique, cuivre, bronze, fer et tôle. Ce qu’Esteban Royo se plaît à cornaquer.
Maître tordeur ajusteur. Sur tout support. Parti d’une figuration libre influencée par l’art africain et océanien, son travail s’est arrimé du côté d’une abstraction personnelle. Ici le rêve de la cariatide s’étire en silhouette frémissante et sque- lettique soutenant une auréole ; deux cordes parallèles suspendues donnent l’impression de se jauger ; un imbroglio de fer forgé se targue de couettes. Là , une selle de vélo, extirpée de son cadre, s’affiche en énigme, une vis en bois vire en collier de princesse ; un impassible pied de lit se taille une apparence humaine ; un balai-brosse et une jeannette (cette espèce d’accoudoir de table à repasser) ont basculé en masques…
Des œuvres le plus souvent statiques, au mouvement feutré, cla- quant leurs discrets bruissements dans les airs qui viennent tutoyer les anges, se vautrer allègrement dans les espaces. Esteban Royo n’impose pas le mouvement, il l’évoque. On pense- rait volontiers à Calder si Guerrero (Guerrier) tout d’acier masqué ne venait pas culbuter l’Homme cactus de Julio Gonzalez.
Jean-Claude Renard