Présentation
Rédactrice en chef : Sylvette Babin
Esse n° 63. Actions réciproques
«Actions réciproques», éditorial de Sylvette Babin
«Le dossier « Actions réciproques » propose une réflexion où se chevauchent l’interactivité, qui renvoie surtout à la relation entre individu et machine — notamment dans des œuvres technologiques nécessitant la participation du spectateur — et l’interaction, qui appelle plutôt une relation entre individus, ici entre l’artiste et les membres du public. Dans les deux cas, nous pourrions solliciter le néologisme « spec-acteur » qui, malgré un usage parfois arbitraire, soulève justement cette question de participation active dans les pratiques artistiques contemporaines. Cet aspect participatif, qui ne date pas d’hier, mérite encore d’être questionné, non seulement dans ses modalités constitutives, mais aussi en ce qui concerne son efficience réelle quant à l’ouverture souhaitée sur l’autre.
D’entrée de jeu, la proposition lancée aux auteurs a pris la forme d’une série de questions qui en ont inspiré plusieurs. En voici quelques exemples. L’interface de la technologie est-elle devenue nécessaire pour aborder l’interactivité ? Comment départir le rôle de l’artiste de celui du participant ou de l’œuvre elle-même ? Comment doit-on repenser la sphère publique, voire celle de l’intersubjectivité, sous l’emprise de la technique ? L’image est-elle une entité active ou passive, réceptacle du regard ou vecteur d’assujettissement ? Peut-elle être saisie en tant qu’entité pragmatique, c’est-à -dire en tant que sujet d’une action réciproque ? Que signifie « participer » dans une société du spectacle ? La sphère des actions réciproques déborde-t-elle de la sphère de la représentation ? L’art contemporain a-t-il su renouveler l’action réciproque en tant qu’action politique effective ?
Volontairement ouvert sur différents points de vue, le dossier tente de répondre à l’une ou l’autre de ces interrogations. On y retrouve, par exemple, des réflexions sur des stratégies dites relationnelles, des questionnements sur le sens même du terme interactivité ou sur son utilisation parfois inadéquate, ainsi que des analyses de différentes pratiques dans les arts médiatiques et l’art web. On y aborde également des types de participation plus indirects ou symboliques, dont ceux utilisant le miroir et la réflexion comme forme d’ »engagement » avec le spectateur. Que les pratiques étudiées dans ces pages soient interactives ou interactionnelles, une certaine constante semble se dessiner quant au désir de développer un art moins autarcique. Il s’agit bien là , d’ailleurs, de l’objectif principal des actions réciproques. Quant à savoir si les dispositifs dits interactifs laissent vraiment au public la possibilité d’interagir avec l’œuvre, voire de la modifier, ou si les œuvres interactionnelles ouvrent réellement, entre l’artiste et le spectateur, des zones d’échanges signifiantes, la question demeure ouverte.»
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