Présentation
Directrice de la publication : Sylvette Babin
Titre
Extraits de l’éditorial de Sylvette Babin, «Le canular est un canular»
«Remarqué pour l’humour ou le cynisme qui lui serait intrinsèque, le canular a souvent été associé à des critiques cinglantes d’une structure institutionnelle, politique ou d’un mouvement artistique. Est-ce toujours le cas ? Une recrudescence de la pratique invite à questionner les motivations qui la génèrent.
Sommairement, un canular serait une fausse nouvelle propagée sous les traits d’un fait véridique. Pourtant, quelques recherches amènent à constater que le sens donné au mot prend de multiples avenues et témoigne d’une certaine confusion entre lui et ses proches voisins que sont la mystification, le pastiche, le simulacre, la parodie ou la fiction. Certes, ces actions se ressemblent en ce qu’elles cherchent à mystifier le public en jouant sur l’authenticité du médium ou du message, et c’est justement ce qui a retenu notre attention dans ce dossier, qui aborde notamment les notions de vérité, d’authenticité et d’auctaurialité.
Le foisonnement des canulars sur les scènes médiatique et artistique nous incite à observer les intentions des imposteurs, leurs cibles et les moyens utilisés pour atteindre celles-ci. Ainsi, depuis les toutes premières manifestations canularesques, les vecteurs de propagation les plus efficaces ont certainement été les médias. Le cas du célèbre canular d’Orson Welles qui, en 1938, annonçait sur les ondes de CBS l’invasion de la planète par des extra-terrestres, est notoire1. Si, aujourd’hui, les réseaux médiatiques sont encore prisés par les mystificateurs, l’Internet est devenu un outil de choix. De la vulgaire alerte aux virus, aux fausses lettres de solidarité, aux légendes urbaines de toutes sortes, ces nouveaux hoax, envoyés par centaines vers nos ordinateurs, tentent, souvent avec succès, d’éprouver notre crédulité. […]
Une lecture de ce dossier permettra de constater la grande diversité des pratiques utilisant ou côtoyant le canular. Tantôt cinglantes, parfois amusantes, les petites et grandes impostures présentées ici tracent le portrait d’une autre attitude irrévérencieuse souvent chère au monde de l’art et qui, parfois, arrive encore à choquer. Si l’intention de ce dossier était de suggérer que tel ou tel canular est certainement de l’art, comment faut-il entendre la phrase en couverture : l’art est un canular ? Cette affirmation n’est pas anodine, car pour de nombreux publics réfractaires, l’art contemporain est encore considéré comme une supercherie. La maxime prend un tout autre sens si l’on accorde à l’art une position critique face aux discours osant se poser comme Vérité. Enfin, la capacité d’autodérision de l’art actuel et de ses artistes compense peut-être l’absence d’esprit critique de certains usages du faux.»