Cette nouvelle exposition est placée sous l’égide de six femmes. Six femmes et six artistes — Chloe Piene, Yayoï Kusama, Sarah Lucas, Ana Mendieta, Nancy Spero, Nicola Tyson —, de générations différentes, d’horizons divers (Japon, Grande-Bretagne, Cuba, Etats-Unis, Allemagne), qui ont connu des parcours et des vies, des « conditions de femmes » — uniques, propres à chacune, et qui ont en retour, intimement façonné leurs pratiques artistiques.
Six modes d’être « artiste-femme » tout à la fois revendiquant haut et fort ce statut, parfois « assumé » de façon provocante et provocatrice, d’autres fois tourné en dérision, — et le vertige va jusqu’à l’infini lorsque soudain la vision finit par se troubler, où la confusion entre présentation (de soi)et re- présentation (d’une sorte de modèle, de « toute une chacune »…) rompt finalement la belle mise en abyme pour nous tendre un miroir cruel…où l’on entrevoit, dans des mises en scène du corps (un corps de chair et d’os, bien réel, dans le court-métrage de C. Piene; un corps déformé/anamorphosé par une vitre — Glass on body Imprints — dans les photographies de A. Mendieta, où la vitre semble dénoncer l’objectif justement trop policé de l’appareil; un corps réduit à l’état de trace ou de souvenir chez Kusama; un corps à la Bacon chez N. Tyson, un corps médiatisé et humilié dans les oeuvres de N. Spero, qui en vient à se fondre avec les corps des caractères des journaux présentés en affiches, bel et ironique écho aux fresques antiques, où ici la matière fraîche, de manière tragique, en revient à être le corps de la femme…; un corps « en gloire », enfin, avec S. Lucas) la grandeur et la misère de la femme, et du sort qui lui est réservé à travers ses représentations.
Démystification (que l’artiste lance au cliché de « la femmartiste »), création d’un nouveau mythe (les clichés revisités et pervertis), ou redite assumée d’une évidence qui mérite, assurément, d’être inlassablement travaillée (des artistes qui « traduisent » plastiquement leur visions d’être femme, parfois avec brio, et qui confrontent, de fait, leur regard au nôtre): l’exposition n’est en aucun cas réductible — et donc simplifiable — à un regard « féministe » ou même féminisant, et c’est là ce qui fait son efficacité, son charme et sa force.