John M. Armleder, Günther Förg, Philippe Cazal / Jacques Fournet, Thomas Schütte, Allan Mc Collum, James Casebere, James Welling, Thomas Struth, Ludger Gerdes, Bernard Bazile, Laurie Simmons, Haim Steinbach, Bertrand Lavier, Thomas Huber, Bazile/Bustamante, Meyer Vaisman, Robin Winters, Coleen Fitzgibbon, les readymade appartiennent à tout le monde, Christof Kohlhofer, Christy Rupp, John Ahearn, Jenny Holzer /Peter Nadin, Rebecca Howland, David Robbins, Axel Hütte, Thomas Ruff, Tom Warren, IFP, Stephan Eins, Jane Dickson, John Malpede
Espèces d’espace
Le Magasin consacre une exposition et une publication aux années 80. Par commodité, l’exposition est pensée par rapport à un cadre de travail très simple :
— Son temps est celui d’une décennie qui débute en 1980 et qui s’achève en 1989, même si les quelques années qui la précèdent et celles qui la suivent sont à prendre en compte.
— Son espace géographique ensuite est celui de son époque, d’une géopolitique qui classe grossièrement la planète entre les pays industrialisés non communistes situés dans le giron des Etats-Unis, le bloc soviétique et le reste du monde, tiers ou quart.
— Ses artistes et leurs oeuvres pour finir sont ceux de la décennie ramenée pour la circonstance à son acception la plus élémentaire. Les oeuvres présentées ou reproduites sont quasiment toutes datées de cette époque, et leurs inventeurs sont essentiellement apparus sur la scène artistique à la même période, après avoir fait leurs premières armes autour de 1976-1977. Ce qui exclut sans que nous les ignorions des artistes des générations précédentes qui étaient encore actifs et qui étaient alors des références incontestables (Richard Artschwager, Gehrard Richter, etc..).
Le projet est donc ainsi sommairement défini: les artistes de la fin des années soixante-dix à 1989 dans les pays démocratiques industrialisés. Les éléments de base de ce projet arrêtés, il nous reste à dire la méthode retenue pour sa mise en oeuvre.
Nous avons d’emblée écarté une construction qui aurait pour origine une sélection d’artistes à partir de critères d!excellence, ceux que le marché a retenu ou ceux qu’il a mis de côté. A cet exercice de répartition du bon grain de l’ivraie, nous avons préféré le préalable méthodologique d’une recherche centrée sur les enjeux théoriques du temps qui permettent de donner du sens à l’ensemble considéré.
Il est en effet apparu assez vite que les matériaux collectés pouvaient être clairement organisés autour de deux thématiques principales, et que leur volume était tel que nous pouvions envisager deux items différents leur correspondant – exposition et publication – en deux volets. Le premier d’entre eux décline les questions d’espace public/privé et de communauté, alors que le second qui sera présenté à l’été 2009 traitera des images et des représentations, et où nous montrerons des artistes majeurs comme Mike Kelley ou Martin Kippenberger.
L’exposition du premier volet
Au sortir des années soixante-dix, la scène artistique est, comme l’ensemble du monde intellectuel et critique, occupée à penser la post-modernité, la «fin des grands récits» que Lyotard analyse en 1979 dans son essai: La Condition postmoderne: rapport sur le savoir.
Décennie du retour à l’éthique et à l’esthétisation des cultures communautaires, voire tribales, les années quatre-vingt sont les années du libéralisme triomphant et de l’économie gestionnaire dans une recherche individuelle égotique du bien-être, ce que des penseurs comme Habermas ou Sloterdijk dénoncent. Ce contexte philosophique et intellectuel est déterminant pour la sphère artistique, notamment en raison de l’influence majeure de la «French theory» sur l’école nord-américaine.
Les artistes vont en effet se déterminer par rapport à ces débats, et l’exposition tente l’arrangement d’oeuvres dans l’espace pour en rendre compte sans en être l’illustration. Elle est organisée sur un parcours qui permet de découvrir des ensembles thématiques qu’inaugure l’espace central du bâtiment, la Rue, avec le wall painting de Günther Förg. Sa pièce est conçue spécialement pour l’événement et à l’échelle du bâtiment.
Dans les galeries d’exposition, l’espace est distribué par deux galeries de circulation qui desservent des salles de diverses dimensions et qui aboutissent en leur centre à une grande salle circulaire, dont la configuration est confiée à John Armleder.
Les salles thématiques articulent les notions d!architecture, là où en opposition à l!émiettement de la sphère publique et à sa privatisation, les artistes Ludger Gerdes et Thomas Schütte affirment la nécessité de réinvestir l’espace public, son urbanisme et son architecture.
En contrepoids, les espaces suivants exposent la sphère domestique privée, avec les décors de Thomas Ruff ou les petites scénettes photographiées de Laurie Simmons, qui mettent en évidence critique la position d’asservissement de la mère au foyer ; ou encore Haim Steinbach et Thomas Huber qui utilisent l’étagère, qu’elle soit murale ou sur pieds, comme paradigme du display.
Le deuxième groupe de salles réduit encore plus la focale du propos à la communauté du monde de l’art par la présentation de galeries de portraits d’artistes ou de voisins anonymes réalisés par Richard Prince, Axel Hütte, Tom Warren ou John Ahearn.
Les expériences collectives de la scène alternative nord-américaine, et tout particulièrement new-yorkaise, sont évoquées par la reconstitution de l’une des salles de l’exposition du Time Square Show, en pendant d’un salon vidéo qui en diffuse la production filmique et vidéographique, supports privilégiés des luttes de différents groupes activistes.
Le parti pris retenu devrait permettre de découvrir ou de redécouvrir certains artistes, ou, pour ceux qui seraient encore très visibles, des pièces rares, inédites ou peu connues.
critique
Espèces d’espace, Les années 1980. Partie I.