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Érik Bullot

«Pointligneplan» : une collection de monographies de cinéastes hors-normes. Une première partie montre des images extraites des films, une seconde, un texte critique sur le travail d’Érik Bullot. Un dvd comprenant six courts et moyens métrages permet de cerner plus précisément les thèmes abordés : films de famille, relation visuel/sonore, etc.

— Éditeur : Léo Scheer, Paris
— Collection : Pointligneplan
— Année : 2003
— Format : 17 x 23,50 cm (avec un dvd, 85’)
— Illustrations : nombreuses, en couleurs et en noir et blanc
— Pages : 86
— Langue : français
— ISBN : 2-915280-15-0
— Prix : 40 €

L‘œil sa Muse
par Jacques Aumont (extrait, p. 50-51)

Le cinéma d’Érik Bullot montre ce qu’il n’a pas vu. Je veux dire : il montre ce que l’œil ni l’optique ne peuvent voir, physiquement voir. Au plus simple (au plus simplement exprimable ou descriptible — car par ailleurs il n’y a jamais rien là que d’assez complexe), c’est l’idée du cinématographe comme machine à montrer l’invisible, ce dont on est sûr que ne l’a vu de ses yeux vu. Il est beaucoup de variantes de l’invisible, mais Bullot en cultive une par-dessus toutes les autres : celle qui naît de l’intervalle (en un sens, de prime abord, vertovien lui aussi), de la distance entre deux phénomènes. Distance spatiale, parfois (mais jamais directement montrée, au mieux, suggérée, comme dans Séchage, qui rend intuitivement perceptible une distance imprécisée). Distance temporelle, plus souvent, étendue de temps entre deux moments, comme, exemplairement et par principe, dans les deux chapitres du journal filmé Le calcul du sujet, Oh oh oh !). Distance musicale enfin, selon le calcul mystérieux des puissances, des forces et des qualités que Vertov a imaginé et que Bullot, spontanément ou très consciemment, a mis en Å“uvre. Pour faire surgir — et faire voir — un intervalle entre les choses, il faut les filmer de manière qu’elles échappent autant que faire se peut à la mise en scène, qu’elles ne commencent pas à raconter une histoire. Il faut les filmer pour elles-mêmes, et je dirais : avec elles-mêmes, en elles-mêmes. Montrer n’est pas adopter un point de vue sur des choses — toupies, verres, balles, manèges —, des phénomènes — foudre, énergie, tourbillons — ou des événements – la rencontre, la migration, la promenade orientée. Montrer est un mouvement en soi, non asservi ou non entièrement asservi à une conscience, et qui rende compte d’une dynamique des choses, des phénomènes et des événements.

(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions Léo Scheer)

L’artiste
Érik Bullot est né en 1963. Il est l’auteur de nombreux films à mi-chemin du cinéma d’auteur et du film d’artiste. Cofondateur de la revue Antigone, «revue littéraire de photographie», il collabore aux revues de cinéma Traffic, Cinéma, L’image, le monde. Il enseigne actuellement à l’école des beaux-arts de Bourges.

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