Eric Poitevin
Eric Poitevin nous propose un point de vue sur le paysage en travaillant le cadrage et la profondeur —profondeur accentuée par l’absence de verre et la matité de la photographie— montrant ainsi la densité de la végétation. De la globalité au détail, le regard glisse entre les branchages.
Le nouveau portrait présenté ici fait basculer l’exposition. Par opposition au caractère «rural» des autres séries exposées ici, c’est la seule image qui donne une vision de la société contemporaine. Un indice pour dire que le travail d’Eric Poitevin n’est pas du côté de l’écologie, de la nature. La forêt est, selon lui, davantage un réservoir d’images (passées et à venir) qu’une aventure romantique.
Sous la verrière, est présentée, en exclusivité, une photographie de la partie avant d’un taureau Charolais. Cette nouvelle série sur laquelle Eric Poitevin travaille actuellement s’inscrit dans la continuité de la série des croupes de chevaux. L’image, très fabriquée, a un aspect pictural. Le fond blanc accentue le volume et la matière du taureau, ce qui contribue à l’idée de puissance.
En contrepoint de l’animal est exposé un triptyque de la série des vignerons d’Arbois (1989), peu montré à ce jour. Par les différentes expressions du personnage et le jeu de lumière, on retrouve 3 facettes du vigneron. Ces portraits, comme ceux des Anciens combattants (1984-1985) ou encore des religieux de la Curie Romaine (1990), sont porteurs d’une charge de temps et d’expérience sur le point de se dissiper, mais que l’artiste arrive à immortaliser. C’est cette charge qui donne à ces photographies une telle concentration.
À l’étage, nous retrouvons 2 photographies de sous-bois, ainsi que 3 corps de bêtes sur socle. Cette dernière série, produite au Domaine de Bel-Val (propriété de la fondation de la Chasse et de la Nature), dérange en mettant en scène des animaux morts présentés sur des socles dont la blancheur immaculée contraste avec le sang de l’animal. L’introduction du socle —élément architectural— renvoie l’image au domaine de la sculpture, donnant ainsi une certaine noblesse aux animaux morts. Par là , l’artiste rejoue l’incidence majeure de l’humanité sur le monde animal. Les photographies nous frappent par leur étrange silence et la condensation du temps liés à l’immobilité des images. La confrontation entre les sous-bois et les cerfs vient accentuer le contraste entre la vie et la mort.
Travaillant exclusivement à la chambre, les photographies d’Eric Poitevin témoignent d’une rare densité. La technique qu’il emploie réduit la prise de vue à une entrée de lumière, ce qui crée un décalage entre le temps et le réel. On retrouve une authenticité de l’image, une précision et une qualité du détail propre à la photographie argentique.
critique
Eric Poitevin