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Erg

Il est d’usage de dire que le dessin comme la peinture cachent, derrière les plis de la figuration, des univers singuliers, propres aux artistes qui les inventent. Avec cette incroyable faculté d’apparaître en retrait du monde et en capacité de le transcender.
Ce n’est jamais aussi palpable que chez Catharina Van Eetvelde. Ses travaux papiers ou numériques n’ont qu’un objectif, celui de faire émerger une biosphère aux codes inconnus mais qui petit à petit, projet après projet, tend à devenir familier du regard.

C’est d’abord un dessin executé à la main, dans une proximité confondante avec la palette numérique. Le dessin vectorisé et animé vient dans un second temps, en écho à la phase de l’image fixe. A l’origine, c’est toujours un trait aride et précis qui désigne des visages, des corps, des algorithmes, des plans d’architecture, des relevés topographiques. Un ensemble d’interactions, de faisceaux fins, linéaires ou syncopés qui s’étalent sur la surface tout en aménageant de grandes plages pour le vide de la feuille. Comme un monde dans lequel les ramifications seraient en instance d’apparition. Avec Catharina Van Eetvelde, le monde est toujours saisi à la naissance, avant la profusion, quand l’inattendu est encore de mise.

L’exposition Erg ne déroge pas à la règle. «Erg» signifie deux choses. C’est un phénomène naturel qui modifie, par l’effet des vents contraires, la silhouette et la position des dunes de désert. C’est aussi une unité de mesure vernaculaire qui a existé, qui a été appliquée puis abandonnée.
Deux définitions qui s’appliquent à merveille au travail de Catharina Van Eetvelde. Non pas qu’il alimente une situation d’échec propre à la dispersion d’une forme existante, physique ou intellectuelle. C’est l’instabilité permanente, le défi de renaître, de renouveler l’expérience: son dessin ne tient qu’à un fil, au sens propre comme au sens figuré.

L’origine de la forme, l’accompagnement de ses premiers pas. Van Eetvelde est attentive à ce hors-champ du dessin. Dans un film d’animation précédent (Cruise, 2005), elle redéfinissait le puzzle du monde à partir de la Pangée. Pour Erg, elle place au mur une série de dessins, de textes et d’images apparus à la naissance de ce projet (erg_doc, 2010).
Un abécédaire tel que l’artiste le définit, un vaste ensemble de données disparates qui fixe, sans en avoir l’air, une esquisse de narration, les prémices confuses d’un langage à démêler. Un erg en somme.
A l’intérieur, des images extraites d’Internet qui collent à des textes courts et des index détaillés eux-mêmes en lien avec la pensée graphique de l’artiste.

S’agirait-il de la dissection en tranche de ce monde en transformation? Il y a, dans l’exposition de ces planches, la volonté de mettre à jour une plate-forme de réflexion, peut-être l’ultime étape de création avant la dispersion, et de la livrer au public dans un acte d’offrande totalement généreux. Généreux à tel point que la série est consultable sur une simple clé USB éditée par l’artiste et téléchargeable depuis son site Internet.

Loin du huis-clos dans lequel son dessin pourrait, de prime abord, nous abandonner, Catharina Van Eetvelde semble au contraire nous tirer par la manche. Pour nous aider à entrer dans cette friche découverte, tel que pourrait nous la décrire l’ensemble de quatre vidéos figurant les différents états de ce monde: ses circonvolutions prévisibles et hasardeuses, c’est-à-dire son présent et son devenir, puis de manière plus secrète, sa mémoire, ses archives, ses origines donc.

Erg est une construction permanente, déposant de-ci de-là quelques étapes transitoires. Peut-être pour Catharina Van Eetvelde, le projet d’une vie. Erg est en tout cas à l’image du dessin, toujours dans les interstices.

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