— Responsable de publication : Denis Chevalier
— Éditeur : PPT, Paris
— Année : 2002
— Format : 21 x 28 cm
— Illustrations : nombreuses, en noir et blanc
— Pages : 178
— Langue : français
— ISSN : 1253-1294
— Prix : 11 €
Éditorial : faites-le (vraiment) si c’est nul c’est de votre faute. Compilation ouverte (1996-2001)
La proposition a été diffusée officiellement à partir de 1997 (episodic. 2), pour être ensuite relancée à plusieurs reprises (notamment la dernière année) afin de recueillir une quantité de pages suffisant à rendre le projet difficilement identifiable, même si certaines personnes ont pu envoyer leur contribution spontanément. Aussi l’énoncé « sans sélection » a-t-il fait place au terme « ouvert », car le simple fait de relancer l’information et l’invitation dans notre entourage proche ou lointain a opéré une forme de sélection, ce même si, de relais en relais, plusieurs participants nous étaient complètement inconnus.
En prenant le contre-pied d’un travail habituel de publication — faire des choix —, il ne s’agit pas de satisfaire au seul goût de la contradiction, mais bien d’expérimenter cet acte (de publier, de concevoir un objet de publication, une page ou un numéro), la mise en avant du principe par l’intitulé devant y aider. Si alors ce numéro semble se laisser aller à la facilité d’un travail éditorial « allégé », il est cependant forgé d’un principe abandonnant tout confort d’activité éditoriale légitimée pour se livrer à une expérience déplaçant ou élargissant l’usage et l’attention à ce qui est produit. Avant tout ce projet est une expérience ; expérience partagée (et encore à partager), sans aucune exaltation béate du principe de non sélection et de la liberté d’expression, mais bien au contraire invitation à leur questionnement.
La question de la responsabilité est ici particulièrement complexifiée, le « vous » (« faites-le », « votre faute ») ayant d’ailleurs cet atout de renvoyer autant à l’individu qu’au collectif. On pourra remarquer des pages conçues dans une certaine autonomie, comme d’autres renvoyant au contexte, à l’ensemble.
Chacun des participants aura la surprise (bonne ou mauvaise) de la page voisine de la sienne. Aménagement de la surprise qui est constitutive du projet : c’est un numéro qui nous (vous) échappe plus qu’un autre. Cet un objet non calibré qui n’appartient à personne. Insaisissable. Rencontres ou confrontations inattendues.
Ici, donc, le principe de non sélection est mis en scène, la liberté d’expression questionnée. Certains auteurs ont reconnu avoir cherché à mettre la revue en difficulté, donc certainement sur un registre éthique, mais ceux-ci ont renoncé après avoir écarté la solution des provocations sans autre justification que leur valeur de provocation.
Donc, non pas exaltation naï;ve de la liberté d’expression, cependant conscience de la nécessité d’espaces ouverts aux propositions critiques (vigilance de la forme).
Le mélange, les contrastes, les influences mutuelles viennent ici mettre en scène aussi notre capacité de jugement. Point d’apologie du mélange, du mix, du réseau mais mélange exposé en tant que tel, qui pousse sa logique au-delà de quelconques volontés implicites de faire sens (préétabli).
Il s’agit d’un véritable mélange (quand même reste-t-il modeste) : mélange des statuts des personnes (« artistes », « pas artistes », jeunes, moins jeunes, très jeunes, connus, inconnus, etc.), mais surtout sans thème, sans classification, ni hiérarchisation. Ce qui effectivement risquerait d’évoquer des travers contemporains pourrait finalement être une dérivation des discours sur la pluralité qui la pensent trop souvent dans l’unicité, expression de la tendance grandissante du renoncement à la critique et de l’absence de discernement, crédo sous-jacent à maintes entreprises culturelles et artistiques. Après tout c’est une situation plutôt rare de mettre en présence une telle diversité d’expressions : il ne s’agit pas de s’en extasier, ici, il a juste été tenté d’activer une complexité, de révéler une part d’obscurité.
S’il n’y avait pas de thème avancé (rien ni personne n’est hors sujet si un travail a l’air décontexté il est quand même dans le sujet), le principe de la proposition pouvait en suggérer, ce que certains auteurs ont d’ailleurs retenu. Elle pouvait inviter à se positionner face à elle-même, à l’idée de publication, à la revue, au numéro lui-même, aux participants Il y aurait alors cette voie à explorer, à poursuivre, consistant à inventer de nouveaux rapports, liens, jeux de circulations spécifiques, réflexivité opérations qui peuvent ouvrir des dimensions (théoriques/poétiques) propres à distancier, à s’extraire d’un trop de significations.
(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions PPT)