On pouvait raisonnablement espérer qu’en programmant de la danse en plein air au mois de juin, à Paris, on était tranquille, tout allait bien se passer. D’autant que les shows n’étaient ni fatigants, ni longuets. Qui plus est, pas chers du tout : gratuits. Nous avons opté pour celui de Gabin Nuissier, cour Saint-Emilion, parce qu’il était prévu à une heure décente permettant de profiter normalement d’un déjeuner dominical amical et bien mérité.
Sauf que les éléments naturels en ont décidé autrement. Des nuages sont apparus. Le public, venu nombreux, ne s’est pas aventuré en masse jusqu’à la dite place Gabriel Lamé pour assister à la démonstration de « street dance ». Il s’est protégé comme il l’a pu de cette intempestive intempérie. Sous les auvents, les terrasses abritées, les vérandas, les marquises, les porches ou, carrément, à l’intérieur des établissements qui, autrefois, servaient de chais, de celliers, de caves au ras des pâquerettes.
Dans un premier temps, donc, le danseur donne ses consignes à ses disciples — de jeunes amateurs stanois et de parfaits inconnus, issus du public d’inconditionnels, et cobayes volontaires — au moyen d’un micro-casque à la Madonna. La bouillasse est telle que les danseurs risquent le rhume et, à tout instant, la glissade ou l’entorse. Il faut dire que le pavé de Bercy paraît malintentionné. Le régisseur, qui assiste à cette scène réduite aux acquêts, au lieu d’annuler purement et simplement la démo ou de la reporter (à l’année prochaine, si vous le voulez bien !), décide alors de confisquer le précieux microphone pour ne pas en abîmer le délicat système HF !
Gabin, urbain — comme sa danse, du reste —, s’égosillera donc pendant toute la fin du stage. Il comptera à haute voix. Jusqu’à quatre. Jusqu’à huit. Et esquissera, avec aisance, dans le sens de la marche, plusieurs séries de gestes et d’enchaînements. Par intermittence, ce spectacle ou ce petit manège est brisé. Le chorégraphe interrompt la musique et fait face à sa petite foule de danseurs. Il se met à observer son éphémère compagnie. Moins pour la jauger ou juger que pour la contempler, tel un spectateur lambda, comme vous et moi.
Après une séquence d’échauffement et d’exercices simples à exécuter, les mouvements proposés par le breakdancer se font de plus en plus compliqués. Mais le moral des troupes tient la route. Les filles et les garçons restent confiants et même souriants. C’est qu’une fois lancés, plus rien ne peut les arrêter. Le vrai travail au sol, ce sera pour une autre fois (demain, il fera jour !).
Le chorégraphe demande à l’ingénieur du son de répéter une belle ligne de basse. Son petit monde pivote en tous sens, tape des mains pour marquer le coup et/ou se réchauffer au passage, croise les gambettes, conserve l’équilibre, se désarticule, dessine des figures chorales pas vraiment imposées. Les élèves suivent la cadence. Et aussi, c’est assez rare pour être souligné, leur propre inspiration. Les trajectoires deviennent abstraites, pures, agréables à voir. La choré produit de belles choses. Des courbes dignes de Lamé…
Horaire : 16h
— Chorégraphie : Gabin Nuissier
— Musique : Xavier Perchaud et Fernand D
— Interprètes : Elèves de la ville de Stains et le public