Catherine Francblin. Nous recevons Mathias Schweizer, né en 1974 en Suisse. Il a notamment créé un label de musique électronique, participé à la conception graphique des rencontres chorégraphiques de Seine Saint Denis, réalisé plusieurs projets avec Mathieu Mercier, et a conçu le visuel du catalogue et des affiches de la manifestation Antidote.
Jean Marc Ballée est né en 1966. Il a collaboré à Grapus et a travaillé avec des artistes contemporains tels que Fabrice Hyber, Laurent Moriceau, Sophie Ristelhueber et Adel Abdessemed.
José Albergaria et Rik Bas Backer travaillent ensemble au sein de l’agence Change is good. José est né en 1970 au Portugal et Rik Bas Baker est né en 1967 à Amsterdam. Ils ont réalisé plusieurs catalogues pour la Villa Arson, ont notamment collaboré à la réalisation du catalogue et de l’affiche de l’exposition Bernard Frize au musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, et ont participé au Festival international de l’affiche et des arts graphiques de Chaumont en 2004. Ils ont également collaboré avec plusieurs artistes pour des affiches et catalogues, dont celui de Raymond Hains édité par le Centre Pompidou. Ils ont également réalisé le numéro spécial d’Art Press, Oubliez l’exposition, coordonné par Pierre Leguillon.
Etienne Bernard est un jeune commissaire d’exposition, assistant du délégué général du Festival international de l’affiche de Chaumont. Il écrit également dans diverses revues spécialisées.
L’idée de cette table ronde intitulée Quand les graphistes s’en mêlent m’est venue de la visite de l’exposition de Mathias Schweizer au CAPC de Bordeaux, dont Etienne était le commissaire. Une question s’est rapidement posée: «iens, les graphistes exposent?». Suive d’une deuxième question «Pourquoi pas? Les architectes et les designers le font déjà ».
Les travaux présentés dans cette exposition étaient aussi bien des commandes que des recherches personnelles. Ils montraient parfaitement que les graphistes ont leur propre univers, leurs propres références, un état d’esprit proche finalement de celui de l’artiste.
Je trouve donc très intéressant de réfléchir ce soir à ce que j’appellerais «l’extension du domaine de l’art.»
Il y a bien sûr graphisme et graphisme, de la même manière qu’il y a photo et photo. La photographie a été pendant longtemps un domaine ambigu. On se demandait si elle était de l’art ou non. Cette question ne se pose plus aujourd’hui.
Dans le domaine de l’histoire de l’art, les arts graphiques ont eu des heures glorieuses. A l’époque du Bauhaus, le dialogue avec l’art était intense. Aujourd’hui on assiste à un regain d’intérêt pour les arts graphiques. A noter que le graphisme est un métier relativement récent, survenu avec l’arrivée de l’affiche, comme le design, apparu avec l’ère industrielle.
Il existe un préjugé selon lequel les graphistes se prennent pour des artistes. Cette opinion relève d’un protectionnisme extrêmement désagréable.
Etienne, ne peut-on parler d’une tendance au décloisonnement?
Etienne Bernard. Aujourd’hui dans le champ de l’art, dans les lieux plus ou moins identifiés comme présentant de l’art contemporain, la notion de décloisonnement est en effet importante. Plusieurs musées et centres d’art en France commencent à ouvrir leur programmation au graphisme. C’est le cas de la Ferme du Buisson, de la Criée à Rennes, du CAPC de Bordeaux et du Palais de Tokyo. Effectivement, avec ces exemples, le graphisme entre en territoire de l’art contemporain.
Est-ce le monde de l’art qui s’est ouvert? Ou est-ce le graphisme qui a fait du «forcing»? Probablement les deux. C’est un phénomène qui ne peut pas être considéré comme un épiphénomène, compte tenu de l’engouement récent pour les arts appliqués, comme la mode, le design textile, le design.
Est-on dans un effet de mode? Est-ce éphémère? Je ne l’espère pas. Le graphisme a-t-il intérêt ou non à se rapprocher de l’art? Doit-il le faire? Doit-il s’en justifier? Les personnes réunies ce soir auront des éléments de réponses, mais je pense que le graphisme aujourd’hui n’est pas encore arrivé au stade du design dont les grands noms s’affichent dans les galeries commerciales.
Il ne s’agit pas de faire un parallèle ni un amalgame entre les graphistes et les artistes. Les graphistes ne se prennent pas pour des artistes. Ils peuvent se mêler d’art, c’est autre chose. Il est vrai que certains ont aidé au développement d’une génération d’artistes. Dans un autre champ, le graphisme a pu suivre et aider au développement de scènes, de labels de musique. Ce sont des exemples emblématiques qui nous parlent d’une collaboration suivie et fructueuse. Le graphisme devient ainsi le maillon d’une chaîne de développement de phénomènes.
Le débat va se diviser en deux parties. Les graphistes vont présenter en premier lieu quelques travaux emblématiques, afin de mieux connaître leur travail. Puis, nous débattrons sur le thème du rapport à l’art.
Jean Marc Ballée. J’ai choisi de vous présenter trois projets: trois livres issus de collaborations avec des artistes: Laurent Moriceau, Sophie Ristelhueber et Adel Abdessemed. Ce qui me plaît dans le travail avec ces artistes, c’est que nous sommes toujours confrontés à ce rapport texte/image. Pour chaque projet, l’enjeu est de réussir à démonter un mécanisme et faire en sorte que ces projets soient «bavards», qu’ils résonnent.
Pour Laurent Moriceau, il s’agissait d’une petite publication qui devait produire une idée très immatérielle, son projet d’exposition cherchait à produire un concept qui allait évoluer dans le temps à des échelles différentes. Le texte exprimait son projet, il était court, simple, un peu érotique et très parlant. L’œuvre consistait à réunir des gens à des échelles et lieux différents autour d’un protocole, celui de boire le volume d’un corps de femme.
J’ai trouvé ce projet très beau avec son écrit et son iconographie. Laurent exposait au Centre d’Art de Pougues-les-Eaux. Nous sommes partis de l’idée de minimiser la manipulation des signes, mais de répéter le principe. Le fascicule édité avait la particularité d’être dédoublé comme si une erreur d’impression s’était produite. L’objet contenait en fait son jumeau. J’ai très vite compris que ça marcherait: quand vous aviez une édition entre les mains, vous pouviez en offrir un exemplaire et en conserver un, ce qui poussait l’idée de diffusion. Chacun avait alors la possibilité de donner un exemplaire ce qui me paraît finalement plus intéressant que de le donner réellement.
Ma deuxième expérience était avec Adel Abdessemed qui souhaitait faire un livre. Il ne prévoyait pas de textes, juste des œuvres. Après une longue réflexion, j’ai proposé une grille qui permet une fiction, qui raconte non pas les oeuvres mais la vie d’Adel jusqu’aux années 2000.
J’ai pris une grille des années 60. J’ai testé ce support avec le matériel disponible. Je me suis rendu compte qu’il y avait matière à faire un livre, et je l’ai réalisé. Le travail a consisté à aller chercher des choses qui ne sont pas forcément des oeuvres pour Adel, mais qui ont un début, un milieu et une fin. Cette grille permettait un travail assez minutieux dans l’historique. Le problème de la matérialité (édition souple? dure?) relevait d’un problème d’édition mais il aurait été vraiment intéressant de faire à la fois une édition souple bon marché et un album relié plus cher. Ce projet est en court.
Toujours par rapport à ce couple texte/image, le livre de Sophie Ristelhueber est un autre exemple. Sophie fait des livres et ne souhaitait pas travailler avec un graphiste. Mais après un temps de réflexion, je lui ai proposé de faire un livre où il n’y aurait plus de blanc autour des images. Le sujet était une mission photographique dans le Var. J’ai proposé une édition souple de 48 pages, avec trois à quatre formats de photographies. Ce qui était intéressant, c’est qu’il pouvait y avoir de nombreuses histoires et scénarios possibles, qui se superposaient. Tout ceci entrait en résonance avec un concept important pour Sophie, une notion non pas policière mais politique: celle de la censure.
Mathias Schweizer. Le premier projet que je présente est un élément moteur: une police de caractère réalisée en 1999. A cette époque, mon travail relevait essentiellement de la recherche. Cette police, nommée IKEA (car elle est composée à partir des éléments constitutifs d’une des premières étagères modulables commercialisées par la marque suédoise), est intéressante car elle implique un travail de dessin autour d’un texte, un travail uniquement typographique en somme.
Plus tard, j’ai été invité par le Museum für Gestaltung de Zurich à faire un projet. J’ai alors décidé de reproduire le manuel d’utilisation et de montage de cette étagère avec cette police de caractère. Les notices techniques écrites de montage étaient remplacées par l’étagère elle-même tandis que des éléments abstraits étaient substitués aux dessins.
A la même époque, Mathieu Mercier m’a proposé de faire son catalogue. N’en ayant jamais réalisé jusque là , cela ne m’intéressait pas du tout, je ne me considérais pas prêt à réaliser ce travail. De plus, j’étais intrigué par le monde de l’art. Je voulais savoir dans quel univers un artiste évolue, mais sans y entrer complètement.
J’ai donc proposé à Mathieu, dans un premier temps, d’être son assistant. C’est pour cela que ce catalogue a été long à réaliser: je voulais me familiariser avec ses envies, ses problématiques. Il s’agissait d’un catalogue rétrospectif, mais Mathieu n’avait plus envie de faire apparaître certains travaux qui me paraissaient au contraire importants dans l’évolution de son travail. Le résultat fait penser à première vue à un catalogue classique, mais ce qui sert d’habitude de finition, de cartonnage, vient simplement se coller à la fin à un catalogue cartonné ressemblant plus à un magazine. Ce qui me paraissait important, c’était de montrer beaucoup de choses. Nous avons archivé son travail, de façon à faire des suites simples, chronologiques.
Un autre travail m’a fortement intéressé, mais il n’a pas vu le jour. J’ai rencontré David Perreau du Spot au Havre, et nous avons commencé à imaginer un projet. Au Spot, il existait un système de cartons d’invitation/flyer, qui me paraissait très correct et ne nécessitait pas l’intervention d’un graphiste. Je ne pouvais tenter que de faire évoluer gentiment ce qui était déjà proposé.
J’avais rapidement dessiné une police qui fonctionnait comme un noble parasite, c’est-à -dire, une police censée pouvoir se poser et se greffer sur n’importe quelle autre police de caractère. Une fois tapée, cette police devait véritablement agir comme un élément hors-la-loi. La ville du Havre n’étant pas très grande, l’idée était de proposer aux habitants des affiches sans texte, avec seulement un reflet ou une intervention de l’artiste dans la ville, comme un appel. Nous voulions poser la question: «Peut-on faire une communication sans appel textuel?»
Pour le projet Antidote, j’ai rencontré Elsa Janssen et Guillaume Houzé. Le titre de départ de l’exposition aux Galeries Lafayette était Sauf Point Rouge, car composée de pièces achetées. La première idée devait être ce lien entre la galerie et le magasin. Malheureusement aux Galeries Lafayette avait lieu au même moment une opération commerciale, nommée Sauf Point Rouge. Nous étions effectivement en période de soldes. Nous avons donc changé de titre et adopté un énoncé simple, Antidote. J’ai réalisé l’affiche d’une seule traite, sans toucher à mes outils habituels, notamment l’ordinateur.
Rik Bas Baker. Nous allons d’abord montrer une «vitrine visuelle» de notre travail, puis un ou deux projets pour montrer comment nous travaillons avec des artistes.
Nous avons créé un panneau dans une salle d’exposition dédiée à notre travail et aux autres. Nous avons superposé des affiches, comme elles le sont dans la rue, sans les isoler les unes des autres, pour montrer la force que l’une peut avoir par rapport à l’autre. Sont présentes l’affiche de la Fête de la Musique 2006, celle de l’exposition Notre Histoire du Palais de Tokyo, également en 2006, un extrait d’affiche que nous avions réalisé pour le musée d’Art Moderne de la ville de Paris, pour l’exposition de Bernard Frize, l’affiche d’une exposition à Strasbourg, l’affiche 2004 du Festival de l’Affiche de Chaumont, l’affiche d’Images d’Après, une exposition à La Cinémathèque Française, une petite affiche faite avec Dan Walsh, artiste américain, pour un cinéclub près de Metz.
Notre recherche personnelle enrichit la façon dont nous allons donner forme à un message. Nous ne cherchons pas à nous promouvoir nous-mêmes, mais à promouvoir l’objet. Nous avons souvent l’impression que les artistes essaient de se mettre dans notre peau. Ils viennent plus souvent nous dire qu’ils ont envie de faire du graphisme comme nous, alors que nous, nous ne souhaitons pas faire de l’art comme eux. Bernard Frize en est un parfait exemple. Il avait une idée très claire de ce qu’il voulait: produire un véritable catalogue d’exposition. Le nombre d’icônes des tableaux exposés a déterminé le nombre de pages du catalogue. Ce fut un projet véritablement mené ensemble.
José Albergaria. Je vous présente le projet 72, mené avec le CNEAI, le FRAC PACA, et la Fondation d’Entreprise Ricard. Comme il s’agit d’un livre réunissant des projets d’artistes non réalisés, nous avons utilisé une police de caractère qui nous avait jusqu’à lors toujours été refusée.
Merci à tous les quatre pour votre présentation. D’après ce que je comprends, les artistes adoptent des positions assez différentes. Bernard Frize, par exemple, vient vous voir avec une idée précise. Que peut alors apporter un graphiste dans ce contexte?
Ris Bas Backer. Pour l’exposition Ideas from Strasbourg, le défaut était qu’au départ nous n’avions pas d’idées, car nous n’avions jamais été dans la position de montrer notre travail. Ce qui nous stimule précisément, c’est lorsque quelqu’un vient avec un contenu, auquel nous pouvons nous accrocher.
Bernard Frize nous a donné de quoi «jouer», de quoi apporter un riche contenu visuel. Ce qui nous a donné envie de donner forme au projet. Nous offrons en quelque sorte une carte graphique, une «participation technique».
José Albergaria. Nous avons demandé à plusieurs personnes de participer à l’exposition Ideas from Strasbourg. Nous avons inversé le jeu en demandant aux gens de nous envoyer des «matériaux-idées» que nous avons ensuite mis en exposition. C’est un exercice que nous faisions déjà pour beaucoup de catalogues. Nous avons ainsi transposé cette expérience dans un lieu physique et testé une autre façon de montrer.
Jean Marc Ballée. Personnellement, je fais très peu de catalogues. Adel Abdessemed, ne voulait pas tant un catalogue qu’un livre. Pour moi, la différence réside dans la conscience que l’on a de produire un travail issu d’une collaboration. Il s’agit d’une aventure, et de savoir jusqu’où nous pouvons aller. Cela se traduit ou non par une histoire.
Etienne Bernard. Je m’adresse aux graphistes de Change is good. Vous travaillez beaucoup avec différents artistes, et éditeurs, notamment dans le cadre de commandes et collaborations à long terme. Comment s’organise cette collaboration? Chaque cas est-il différent?
Rik Bas Backer. Chaque artiste a son approche. Certains ne sont pas intéressés par la forme, la mise en page. D’autres prennent vraiment du plaisir à réaliser en commun un catalogue. Certains artistes pensent qu’ils ont une grande connaissance du graphisme, d’autres l’ont vraiment.
Enfin, certains artistes n’ont absolument pas envie de faire un catalogue. Chaque projet est effectivement un défi dont l’issue est inconnue. Nous sommes considérés comme des «guides techniques» et étant donné que chaque artiste a une personnalité très affirmée et différente, chaque expérience est unique.
Etienne Bernard. Par rapport au concept de forme, comment les artistes vivent-ils le fait que d’autres donnent forme à leur forme? Sont-ils confiants? Méfiants?
Rik Bas Backer. Certains artistes souhaitent effectivement travailler avec des graphistes en particulier, avec qui ils ont déjà eu une expérience. Ce fut le cas de Bernard Frize qui a pu facilement voyager dans notre univers. Autre exemple, nous avons collaboré pour un catalogue de l’Agence Magnum: certains photographes ont étroitement collaboré avec nous pour la mise en page, mais d’autres n’étaient pas satisfaits de notre collaboration. Une troisième entité, l’éditeur, est alors intervenue pour recadrer le travail, et prendre les décisions finales. Notre proposition a souvent été imposée.
Quel est le rôle de l’exposition? Est-ce juste une manière de vous faire connaître? Ou avez-vous plutôt l’intention de promouvoir un style, un état d’esprit qui vous représente? Nous avons l’impression que dans le cadre de vos collaborations, vous avez tendance à vous plier à certaines exigences des artistes, à vous adapter à leur personnalité? Une exposition ne doit-elle pas rendre compte d’une certaine forme d’unité?
José Albergaria . L’expérience de Strasbourg relevait plus du défi que du fantasme d’exposer. Exposer n’est pas le but de notre travail. Nous saisissons l’occasion de le faire.
Mathias, comment avez-vous conçu votre exposition à Bordeaux? Aviez-vous déjà une expérience de ce type?
Mathias Schweizer. Lorsqu’Etienne m’a demandé de faire cette exposition à Bordeaux, j’ai accepté très vite mais je me suis aussi très vite rétracté.
En effet, je revendique réellement une position de créateur de formes, d’idées. Mais les supports que j’ai choisis ne sont pas ceux d’un lieu fermé. J’ai considéré que mon travail n’avait rien à faire dans ce lieu là .
Toutefois, m’étant engagé, je ne pouvais plus revenir en arrière. J’ai essayé de retranscrire les sentiments que nous pouvons avoir face à ces choses en les instrumentalisant toutes, en tentant de les «domestiquer». Pourtant, j’avais l’impression qu’il s’agissait de tout mettre à plat, au sens propre du terme.
Je pose cette question parce qu’il semble que les graphistes soient voués à répondre à des commandes. Exposer relève d’un autre travail dans un certain sens.
Etienne Bernard. Lorsque vous tentez l’expérience de l’exposition, est-ce que vous n’exprimez pas une certaine revendication? Et si oui, laquelle?
Rik Bas Backer. Un artiste fait son travail chez lui, puis l’expose, le montre. Un graphiste travaille généralement dans la rue, alors que l’exposition ramène ce travail vers l’intérieur. La petite exposition que nous avons faite à Strasbourg a eu pour fonction de nous mettre nous-mêmes face à notre travail et de nous remettre en question: «pourquoi et comment a-t-on fait ce travail?».
En fait, j’ai davantage le sentiment d’instaurer un dialogue lorsque mon travail est exposé dans la rue.
Vous confirmez donc le fait que l’exposition ne légitime pas totalement votre travail?
Rik Bas Backer. Tout à fait. J’ai souvent montré dans des expositions des travaux qui avaient deux à trois ans. Ils n’étaient de ce fait plus du tout d’actualité, alors que c’était leur première raison d’être.
Jean Marc Ballée. Non seulement les surfaces d’expositions constituent des lieux de rencontre intéressants, mais les magazines également. Ce qui m’amène à me demander si le graphisme est lui-même éditable. C’est une question difficile, comme la question d’exposer du design, acte que je juge également complexe. Mais il me semble que pour n’importe quel graphiste, l’expérience de l’exposition est totalement légitime.
Jusqu’où peut aller votre intervention créative dans le cadre d’une collaboration avec un artiste?
Rik Bas Backer. La notion de «collaboration», signifie existence de deux parties. Nous, nous ne pouvons créer tout seul. Donc, il y a forcément un conflit qui émerge à un moment donné.
José Albergaria. Mais les conflits peuvent être positifs. Les regards des artistes et des graphistes sur une page peuvent être différents. Récemment, nous avons collaboré avec Dana Wyse, artiste canadienne, avec qui nous avons élaboré un livre et un catalogue.
Nous avons eu beaucoup de conflits, car Dana n’a pas les connaissances académiques qui sont les nôtres. Elle a une façon plus sauvage et libre de regarder le travail typographique et graphique. Nous avons finalement admis qu’elle avait raison dans certains cas. Tout ceci a donné naissance à un projet qui parle à la fois pour la personne qui a commandé, et pour celles qui ont participé.