Pier Paolo Calzolari
Ensemble
« Je voudrais donner à savoir que je veux l’expansion, la démocratie, la folie, l’alchimie, la démence, la rythmique, l’horizontalité. Je veux dire que je veux être élémentaire, je dis que je veux commettre des actes de passion», écrivait Pier Paolo Calzolari, en 1968, pour sa Maison idéale, l’une des œuvres fondatrices de l’Arte povera dont l’artiste italien est une figure emblématique.
Aujourd’hui, avec «Ensemble», il réactive cette quête des passages, des vibrations, des configurations premières en réalisant plusieurs téléscopages. Entre présent et passé d’abord avec plusieurs de ses œuvres datant de 1968 à 2015, des débuts de l’Arte povera jusqu’à aujourd’hui; mais aussi des téléscopages avec Kazimir Malevitch et le suprématisme, cette reconstruction artistique initiée par «0,10» (Zéro-Dix), la mythique exposition de 1915, à Saint-Pétersbourg. Affranchi de toute obligation de représentation, l’artiste russe y présentait son Carré noir en affirmant que «créer cela veut dire vivre, produire perpétuellement des choses nouvelles». (Kazimir Malevitch, Ecrits, éd. Allia, 2015.)
Pier Paolo Calzolari régénère les éléments de sa syntaxe personnelle et fonde, avec «Ensemble», un monde plastique à l’image d’une formation musicale. Plomb, cuivre, bois, sel, structure givrante et givre, encre, feu, fleur et noix… Recueilli au fil des œuvres, ce vocabulaire du quotidien, serti d’impalpable, rejoue et réaccorde ses pulsations poétiques en reformant les seuils sensibles par lesquels l’invisible infiltre les agencements.
Cette force de l’invisible est l’essence de l’art de Pier Paolo Calzolari. Il prend contact avec l’existence par ses cristallisations fugaces: la flamme de la bougie, le souffle et l’air, la cristallisation du givre… Autant de formes en formation qui sont au-delà du temps et de l’espace, dans une catégorie qui les traverse tous deux, dénommée «espacement» par Roland Barthes (Roland Barthes, La Préparation du roman (1978-1980), éd. du Seuil, 2015).
Là, Pier Paolo Calzolari retrouve l’une des énigmes premières de sa vie: la lumière de Venise. Enfant, il se rendait souvent riva degli Schiavoni avec une boîte de crayons de couleur. Il s’asseyait sur un banc de marbre. Alors qu’il dessinait, la lumière de la Lagune faisait scintiller le blanc marmoréen de la banquette. La vie se manifestait.
Comment recréer ce plaisir vital, le moment dynamique du sensible, de la pulsation de l’âme? En dialoguant d’égal à égal avec les expressions de la nature, comme le faisait François d’Assise parlant à sa sœur la Lune et à ses frères le Vent et le Soleil; en retrouvant l’intensité des formes primitives, qu’elles soient de gravures rupestres ou d’onomatopées balbutiantes; en appauvrissant les signes de la culture pour retrouver l’énergie des archétypes, le cœur battant du réel.
Dans un monde contemporain crispé vers le renouveau, Pier Paolo Calzolari poursuit ses ruptures vivifiantes. Il contacte le primordial, il écoute la voix perdue de chaque chose, se repère et s’aventure.
Annabelle Gugnon
Né en 1943 à Bologne, Pier Paolo Calzolari vit et travaille à Fossombrone, Italie.
Vernissage
Vendredi 29 janvier 2016
Pier Paolo Calzolari, Vue de l’exposition «Ensemble», 2016.
Courtesy Fondazione Calzolari and kamel mennour, Paris © ADAGP Pier Paolo Calzolari, Photo Julie Joubert
3
Pier Paolo Calzolari, Untitled, 2015. Plomb, colorants, noix brûlées, 430 x 412 x 12 cm, Panneau seul 430 x 189 x 12 cm
Courtesy Fondazione Calzolari and kamel mennour, Paris © ADAGP Pier Paolo Calzolari, Photo Fabrice Seixas
5
Pier Paolo Calzolari, Untitled, 2006. Sel brûlé, colorants, bois brûlé, plomb, 186 x 201 x 15 cm
Courtesy Fondazione Calzolari and kamel mennour, Paris © ADAGP Pier Paolo Calzolari, Photo Julie Joubert
7
Pier Paolo Calzolari, Untitled, 1990 – 2015. Sel, bois brûlé, colorants, plomb
320 x 642 x 13 cm
Courtesy Fondazione Calzolari and kamel mennour, Paris © ADAGP Pier Paolo Calzolari, Photo Fabrice Seixas