Dans la série Untitled (Rorschach), des lacis de peinture noire envahissent la surface de la toile à la manière d’un dripping de Jackson Pollock qui serait toutefois étrangement symétrique.
Cette peinture de Gilles Balmet, résultat d’une chorégraphie autour de la toile posée à même le sol, a ensuite été pliée pour obtenir une répétition symétrique des coulures hasardeuses. Le geste lyrique est contrebalancé par une démarche formelle qui suscite l’interprétation du spectateur tout en la tenant à distance.
Une autre peinture fait directement écho aux formes présentes dans les tests de Rorschach. Les motifs sur la toile sont puissamment évocateurs sans pour autant être figuratifs. Ces peintures à la lisière de l’expressionnisme abstrait et d’un art conceptuel témoignent de la volonté de l’artiste d’obtenir une maîtrise de l’aléatoire.
A propos des paysages de la série de tableaux Winterdreams, Gilles Balmet en parle comme s’il s’agissait d’«émulsion photographique». Des traces de peinture noire sur fond blanc se sont muées en arbres morts sur un paysage de neige glacé. C’est en raclant la toile que des paysages de forêts se sont révélés sur la toile. La bichromie noire et blanche renforce cette similitude avec la photographie.
En laissant advenir le hasard pour ensuite s’en saisir et le formaliser, l’artiste se rapproche du kairos. Son attention flottante lui fait s’emparer des occasions fugaces qu’offrent les velléités de la matière.
Untitled ( Flowers) et Untitled (White stars) sont deux tableaux réalisés au pochoir dont toute la surface garde l’empreinte, comme dans les rayographies de Man Ray de formes qui rappellent par leur nombre infini un champ d’étoiles ou de fleurs. Par la multiplicité et la répétition des formes disposées de façon aléatoire sur la toile, les tableaux de Gilles Balmet, malgré ou grâce à leur aspects formels, se révèlent fortement évocateurs.
De même pour ces scotchs peints en noir, qui servaient initialement à désigner l’emplacement d’une autre œuvre de l’artiste, et qui deviennent des matériaux pour composer un paysage graphique de lignes d’horizons et former ainsi une nouvelle œuvre.
La vidéo Totally Fucked up est un film pornographique téléchargé sur internet dont les bugs transforment les corps en motifs picturaux. Les individus se fondent au décor dans une fusion organique et numérique.
Cette chorégraphie picturale entre en résonance avec la répétition féconde des autres œuvres de l’artiste dans lesquelles le spectateur prend plaisir à projeter les fantasmes de sa conscience. Les œuvres de Gilles Balmet en nouant abstraction lyrique et geste formel enchantent notre regard.
Publications
— Paul Ardenne, ArtPress n°322, Paris, 2006.
— Damien Sausset, ArtPress n°329, Paris, 2006.
— Claire Moulène, Les Inrockuptibles n°569, Paris, 2006.
— Sonia Campagnola, Flash Art n°249, Paris, 2006.
Gilles Balmet
— Enjoy the silence, 2008. Vidéo en boucle. 1 min 26.
— Toothpicks, 2008. Vidéo en boucle. 9 min 50.
— Totally fucked up, 2007. Vidéo en boucle. 5 min 05.
— Winterdreams, 2005. Peinture glycérophtalique sur toile. 130 x 170 cm
— Untitled (Rorschach) #1, 2007. Peinture glycérophtalique sur toile. 190 x 300 cm
— Untitled (Flowers), 2008. Peinture acrylique sur toile. 190 x 140 cm
— Untitled (White stars), 2007. Peinture acrylique sur toile. 190 x 140 cm